Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS FRUITS

pas vues à l’état sauvage et qui diffèrent surtout par la durée de la tige — chose assez variable — ou par la forme du fruit, caractère de peu de valeur dans des plantes cultivées précisément pour les fruits. Je parlerai des deux espèces le plus souvent cultivées, mais je ne puis m’empêcher d’émettre l’opinion qu’aucun Capsicum n’est originaire de l’ancien monde. Je les crois tous d’origine américaine, sans pouvoir le démontrer d’une manière complète. Voici mes motifs.

Des fruits aussi apparents, aussi faciles à obtenir dans les jardins, et d’une saveur si agréable aux habitants des pays chauds se seraient répandus très vite dans l’ancien monde s’ils avaient existé au midi de l’Asie, comme on le suppose quelquefois. Ils auraient des noms dans plusieurs des langues anciennes. Cependant les Romains, les Grecs et même les Hébreux n’en avaient pas connaissance. Ils ne sont pas mentionnés dans les anciens livres chinois[1]. Les insulaires de la mer Pacifique ne les cultivaient pas lors du voyage de Cook[2], malgré leur proximité des îles de la Sonde, où Rumphius mentionnait leur emploi très habituel. Le médecin arabe Ebn Baithar, qui a recueilli au XIIIe siècle tout ce que les Orientaux avaient dit sur les plantes officinales, n’en parle pas.

Roxburgh ne connaissait aucun nom sanscrit pour les Capsicum. Plus tard, Piddington a cité pour le C. frutescens un nom, Bran-maricha, qu’il dit sanscrit[3] ; mais ce nom, qui roule sur comparaison avec le poivre noir (Muricha, Murichung), est-il vraiment ancien ? Comment n’aurait-il laissé aucune trace dans les noms des langues indiennes dérivées du sanscrit[4] ?

La qualité spontanée, ancienne, des Capsicum est toujours incertaine, à cause de la fréquence des cultures ; mais elle me parait plus souvent douteuse en Asie que dans l’Amérique méridionale. Les échantillons indiens décrits par les auteurs les plus dignes d’attention viennent presque tous des herbiers de la compagnie des Indes, dans lesquels on ne sait jamais si une plante paraissait vraiment sauvage, si elle était loin des habitations, dans les forêts, etc. Pour les localités de l’archipel asiatique, les auteurs indiquent souvent les décombres, les haies, etc.

Examinons de plus près chacune des espèces ordinairement cultivées.

Piment annuel. — Capsicum annuum, Linné.

Cette espèce a reçu dans nos langues européennes une infinité de noms différents[5], qui indiquent tous une origine étrangère et la ressemblance de saveur avec le poivre. En français, on dit

  1. Bretschneider, On the study, etc., p. 17.
  2. Forter, De plantis esculentis insularum, etc.
  3. Piddington, Index.
  4. Piddington, au mot Capsicum.
  5. Nemnich, Lexicon, indique douze noms français et huit allemands.