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— Ce sont, répondit un muletier, nos gens qui battent les buissons à la ronde, et brûlent des amorces pour amuser les brigands. Senors et senorines, courage, et piquez des deux.

— Notre-Dame d’Atocha, protégez-nous ! s’écriaient les brunes Andalouses nonchalamment bercées au pas de leurs mules.

Et tous les voyageurs prirent le galop au milieu d’un nuage de poussière qu’enflammait le soleil ; les mules défilaient entre d’énormes blocs de granit, le torrent mugissait dans de bouillonnants entonnoirs, les forêts pliaient avec d’immenses craquements ; et de ces profondes solitudes que remuait le vent sortaient des voix confusément menaçantes, qui tantôt s’approchaient, tantôt s’éloignaient, comme si une troupe de voleurs rôdait aux environs.