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L’AVIATEUR INCONNU

l’irradiation des pylônes lumineux qui amenaient l’Anglaise à agir de la sorte ? Bien fin qui eût pu le dire ! En tous cas nul doute que Bergemont cadet se fût empressé de l’encou­rager à se documenter sur place si Flossie n’eût préféré ne mettre qu’Elvire dans la confidence. Pour des raisons toutes personnelles, et surtout dans l’intention de garder toute sa liberté d’action, elle avait prétexté un voyage à Paris… et cependant que les frères Bergemont la croyaient occupée à des emplettes toutes féminines, Flossie, débrouillarde et délurée comme l’est en voyage tout natif de la Grande-Bretagne, s’installait, à l’heure du crépuscule, dans l’auberge de Buchy, depuis peu baptisée Grand-Hôtel.

Mais le plus délicat pour elle restait à accomplir. L’essen­tiel ne consistait pas dans le petit voyage de Pourville à Buchy, mais bien dans la façon de se comporter pour surprendre au camp des choses intéressantes. Quelles choses intéressantes ? C’était là le secret de Flossie, devenue en quelque sorte une détective amateur, mais bien résolue à rentrer auprès d’Elvire avec de triomphantes précisions. Restait maintenant à recueillir celles-ci, c’est-à-dire à examiner d’autant plus près les gens et les choses que l’on s’efforcerait peut-être de les lui cacher. Elle laissa la nuit se clore, se fit servir à dîner et mangea de bon appétit sans prendre garde à l’intérêt que sa beauté blonde provoquait parmi les clients habituels de l’auberge. D’ailleurs Flossie, en véritable Anglaise, se déplaçait sans tenir compte des contingences, vivant pour elle, indifférente à tout ce qui, en voyage, n’était pas ses besoins ou ses inté­rêts propres. Tel est l’art de voyager, pratiqué par les Anglo-Saxons, très égoïste, c’est évident, mais aussi très commode. Il convient d’ajouter que le camp d’aviation et ses hôtes attiraient depuis quelque temps à Buchy assez de visiteurs et non des moindres pour que la curiosité populaire commençât à perdre de son acuité, et Flossie put fumer une cigarette sans produire de scandale.

De son côté, le chauffeur qui l’avait amenée avait pris tous les renseignements souhaitables pour la conduire promptement au camp d’atterrissage. On lui avait confirmé qu’il y avait vol de nuit ; il ne s’agissait donc, pour Flossie, que de se présenter à l’entrée du camp et de demander le capitaine de Jarcé, ce qu’elle fit dès que brillèrent les projecteurs.