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L’AVIATEUR INCONNU

en 1870, arrêté 40 000 Prussiens. Depuis cette époque héroïque, l’activité du pays ne s’était guère manifestée que dans le commerce local des chiffons, rien ne semblait pré­parer la modeste localité à un éclatant avenir, lorsque les services nationaux de l’aviation décidèrent un jour de mettre à profit la configuration du sol pour installer à Buchy un camp d’aviation.

Tout comme si quelque enchanteur avait frappé le sol de son bâton magique, le village de Buchy, endormi la veille dans sa routine, passa brusquement de rien à tout. Où ne s’étendaient que des champs inutilisés, sauf par des cultures secondaires, où régnaient l’inertie et l’indifférence, prenaient place le mouvement et l’entrain. Aussitôt qu’un accord eut été conclu entre ministère et conseil de préfec­ture, les habitants virent arriver d’innombrables fourgons chargés de matériel d’installation ; en quelques semaines le terrain d’atterrissage était dessiné, les hangars se dres­saient, des cantines, ateliers, dortoirs s’élevaient rapide­ment et formaient à l’écart du village même une agglomé­ration infiniment plus étendue et plus bruyante.

Il va de soi que Buchy, après avoir pris quelque humeur de cette intrusion soudaine, comprit vite tout le parti qu’il pouvait tirer de son voisinage.

Se représente-t-on Flossie, la blonde Flossie débarquant dans Buchy au beau milieu des manœuvres d’aviation et, sans se soucier des difficultés qui pouvaient l’y attendre ? Difficultés non négligeables, si l’on veut bien réfléchir que Flossie, très désireuse, comme elle l’avait dit à sa nièce, de répondre à l’invitation du capitaine de Jarcé, avait décidé, avec sa fantaisie habituelle, de visiter le camp d’aviation de Buchy non pas le jour, mais la nuit. Elle s’était dit, cette intrépide Flossie, incapable d’agir comme tout le monde, elle s’était dit que l’aspect d’un camp d’aviation, s’il était fort intéressant en plein midi, devait l’être bien davantage lorsque les appareils s’élèvent ou atterrissent dans la lumière des projecteurs. Et voilà pourquoi, mal­gré les reproches d’Elvire, elle avait mis à exécution le projet logé dans sa charmante tête, savoir : d’aller sur­prendre M. de Jarcé au moment où il prenait son service

Était-ce vraiment le seul amour du pittoresque, la seule intention d’assister à des départs ou des arrivées dans