Page:Alma - L'aviateur inconnu, 1931.pdf/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
L’AVIATEUR INCONNU

L’oncle Tristan haussa les épaules et, d’un aîr non dénué de mépris :

— Je m’aperçois une fois de plus de ton inexpérience à dégager les symboles d’un récit ! J’ai voulu te démontrer qu’en cherchant à obtenir le silence, tu as obtenu le tumulte ! Non, certes, tu n’as rien brûlé, sinon toi-même !

— Eh bien ! mon cher, prononça le père d’Elvire, sans se courroucer comme il le faisait d’ordinaire, je suis bien fâché de te dire que ta narration ne cadre pas le moins du monde avec les faits. Si, quelquefois, j’en conviens volon­tiers, tu mets dans le mille, aujourd’hui, en revanche, tu m’as tout l’air de te fourvoyer.

Elvire et Flossie, témoins de cette passe d’armes, riaient de bon cœur, en remarquant le léger embarras de Berge­mont aîné. Elles aussi trouvaient que l’exemple d’Érostrate était assez mal choisi et s’amusaient grandement des efforts que déployait l’oncle pour justifier sa citation. Par malheur, son frère, heureux de triompher du perpétuel ergoteur, ne lâchait pas prise.

— Tu as gaffé, mon bon ami, lui répétait-il, ton iné­puisable mémoire t’a trahi ! Ton Érostrate, avec son temple, ne tient pas debout ! Allons ! conviens-en de bonne grâce. Reconnais que tu t’es mis le doigt dans l’œil !

Après quelques brocards de ce genre, Bergemont aîné, très froissé dans son amour-propre d’avoir essuyé un échec, cessa de soutenir une cause décidément mauvaise et sortit en claquant la porte.

Le soir qui suivit, Elvire retrouva Jean-Louis à l’angle de la grille de la villa. Bien que l’existence de la famille Bergemont, naguère si paisible, eût été marquée depuis près d’un mois par bien des vicissitudes, la jeune fille n’avait jamais négligé de se rendre à son observatoire nocturne. Lors de l’arrivée de sa tante Flossie, une cer­taine perturbation l’avait empêchée d’abord d’y être assi­due mais, peu à peu, elle était parvenue à recouvrer sa liberté en faveur de son ami le plus cher. Et parce que Flossie, avec son ferme jugement britannique, l’avait fortement engagée, à maintes reprises, à compter sur le dévouement de Jean-Louis pour sortir de l’embarras où elle se trouvait, Elvire, dans les derniers temps, ne ménageait point les allusions. Ainsi, revenant toujours à ce perfide aviateur, elle demandait :