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L’AVIATEUR INCONNU

CHAPITRE VIII

Dire que Mlle Elvire Bergemont, après cette avalanche d’un genre si particulier, fut anéantie de stupéfaction ou d’émotion serait exagéré. Les divers incidents qui avaient marqué les apparitions de l’avion inconnu au-dessus de Pourville l’avaient petit à petit accoutumée à ne s’étonner de rien. Elle avait, la première fois, manifesté une indi­gnation sincère, puis, à mesure que les événements s’étaient déroulés, sa véhémence s’était accrue jusqu’au moment où elle avait atteint son apogée. Mais, elle avait fini par se blaser sans même s’en rendre compte, elle avait si fré­quemment parlé soit à son père, à son oncle, soit à Jean-Louis Vernal et en dernier lieu à Flossie, qu’elle avait dit tout ce qu’il était possible de dire. La nouvelle incartade de l’énigmatique aviateur ne pouvait donc amener de sa part que la répétition à peu près identique des mots déjà prononcés. Elle fut plutôt consternée : quelques hausse­ments d’épaules, un murmure certainement plein de répro­bation furent les seuls symptômes de sa colère intérieure, colère qui avait perdu de son intensité. Mais, sa mine plus piteuse que furibonde était si plaisante aux yeux de Flossie devant les petits parachutes et leur singulier bagage que l’Anglaise ne put retenir son hilarité.

— Je t’assure, Elvire, que tu es impayable ! lui dit-elle. Tu parais ne pas savoir s’il convient d’être fâchée ou amusée de cette débauche d’aérostats.

Elvire esquissa un geste de lassitude.

— Ah ! j’avoue que je ne sais plus à quel saint me vouer ! De la part d’un pareil adversaire, je dois m’attendre à tout.

Flossie opina :

— Il est de fait que ce jeune homme, car, ce ne peut être qu’un jeune homme, et très bien de sa personne, j’en jurerais, m’a tout l’air de posséder une invention fertile ! Énumérons un peu les modes d’envoi auxquels il a recouru jusqu’ici pour te témoigner sa sollicitude.

Et, comptant sur ses doigts, la railleuse tante d’Elvire poursuivit :

— Le cône de plomb, l’étui métallique et les parachutes. C’est déjà un joli petit matériel et, pour peu que ton avia­-