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L’AVIATEUR INCONNU

— Ma conclusion, c’est que nous avons donné prise à la malignité publique, chose toujours ennuyeuse, et qu’il nous faut retenir la leçon. J’aime à croire que les aviateurs ne t’ont pas assez réussi pour que tu persévères dans ta résolution de les faire entrer dans la famille ?

Le père d’Elvire ne répondit pas, hormis par un haussement d’épaules. Tristan le connaissait trop bien pour essayer de le convaincre et, comme c’était l’heure de sa promenade, il prit son chapeau et sa canne et s’en fut.

Sans doute ses pas le conduisirent-ils à la rencontre de Jean-Louis Vernal, car on put les voir, peu après, cheminant de compagnie sur la plage, du côté le plus désert. Ils avaient l’air de discuter avec animation sur un sujet passionnant. L’oncle Tristan, avec force gesticulations, paraissait acharné à démontrer au peintre une nécessité évidente, à quoi Vernal opposait toutes sortes d’objec­tions… Apparemment, c’était une controverse artistique, qui les mettait ainsi aux prises.

En tous cas, un ralentissement se produisit dans les exhibitions de l’Aviateur inconnu. Une semaine entière s’écoula sans que Pourville entendît, aux approches du petit jour, le ronflement précurseur du message aérien. Mais, par la raison que Pourville n’est pas très éloigné du camp de Buchy et se trouve, en outre, sur une trajectoire d’aéronautique, de temps en temps, un avion traversait son ciel, attirait aussitôt les curieux aux fenêtres et faisant lever le nez des passants. Désormais tout monoplan ou biplan évoluant au-dessus de la petite station balnéaire ne pouvait, dans l’imagination des Pourvillais, que s’intéresser à Mlle Bergemont… Puis, plusieurs expériences n’ayant été suivies d’aucun envoi au nom de cette dernière, l’émotion des gens se calma et l’on n’y fit plus la moindre attention. C’est à ce moment que Flossie, la petite tante d’Elvire, annonça aux Bergemont son arrivée dans les quarante-huit heures.

— Tiens ! exclama Félix, en lisant la lettre, d’où vient que ma belle-sœur débarque ici à fin juillet au lieu de fin septembre ?

— C’est moi qui l’en ai priée, répliqua Elvire, je m’ennuie, je suis excédée… J’ai besoin de son entrain et de sa gaîté, sinon je tomberai dans la neurasthénie !

Quoiqu’un peu de contrainte flottât encore dans les