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L’AVIATEUR INCONNU

d’éprouver un pénible malaise dans cette atmosphère d’in­trigue où elle se trouvait. Encore que les trois habitants de la villa Cypris fussent unis par les plus étroits senti­ments d’affection, Elvire, dans les circonstances exception­nelles, avait souvent constaté l’embarras que peut atteindre une jeune fille privée de contact féminin. Il est en effet des nuances de caractère et surtout de sentiment qui, chez une jeune fille, ne peuvent être interprétées, comprises, admises que par une autre jeune fille, une sœur, une amie, lorsque la mère n’est plus là. C’était le cas pour Elvire Bergemont, privée trop tôt de cette douce épaule si accueil­lante, au front lourd de souci, entre son oncle Tristan, qui affectait le scepticisme, et le sarcasme de son père, toujours fourré dans des manuels scientifiques, Elvire connaissait parfois des moments de découragement et de fatigue morale ; la présence de Jean-Louis chassait bien vite ses papillons noirs, mais elle ne pouvait voir l’artiste qu’à l’insu de ses parents, ce qui répugnait à son âme droite. La seule personne susceptible de la réconforter était sa petite tante Flossie, jeune sœur de sa mère, Anglaise comme elle, et pour le moment domiciliée à Brighton. Flossie, il est vrai, passait chaque année quelques semaines chez les Bergemont, mais seulement au déclin de l’été. Elvire estima, dans le cas où les manifestations de L’Aviateur inconnu continueraient de friser le scandale, aggravant ainsi son propre état d’âme, que la situation deviendrait assez urgente pour que Flossie avançât son voyage et lui apportât le secours de son flegme britannique, de son sens pratique et de son amitié.


CHAPITRE VI

Lorsque Elvire, dans son désarroi, eut résolu d’en appeler à sa petite tante Flossie et de lui demander de venir à Pourville plus tôt que les années précédentes, elle n’hésita pas à exécuter son dessein tout de suite, elle lui écrivit une longue lettre bien détaillée, lui relatant par le menu ce qui s’était passé. La lettre expédiée, elle se sentit moins désemparée, elle recouvra le calme, mais néan­moins attendit la réponse avec impatience. Elle était lasse de se trouver isolée, pour ainsi dire, en face de son père,