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L’AVIATEUR INCONNU

père lui-même ait ourdi, en quelque sorte, un complot contre vous ? Mais il faudrait donc admettre que sa prédi­lection pour les aviateurs atteignît à la divagation !

— Tout cela est bel et bon, reprit Elvire, mais il n’en demeure pas moins, que tout bien considéré, c’est mon père qui a le plus grand intérêt à faire intervenir un avia­teur dans nos débats de famille. Vous vous rappelez qu’il a prononcé un sermon ou peu s’en faut… Vous vous rappe­lez son attitude péremptoire quand vous êtes venu lui demander de me donner à vous… Blâmé par notre silence plein de réprobation, raillé impitoyablement par mon oncle, rien d’étonnant qu’il veuille prendre une éclatante revanche, et… de là à aider les événements…

Le peintre réfléchissait, un indéfinissable sourire se jouait sur ses lèvres, et l’on eût juré même qu’il employait tous ses efforts à réprimer une légère hilarité. Il dit :

— Vous prononcez, ma chérie, un véritable réquisi­toire contre l’auteur de vos jours, vous lui prêtez des instincts presque perfides, des intentions quasi criminelles ! Si M. Félix Bergemont était capable d’aller jusqu’à un tel forfait, le mot n’est pas trop fort, il faudrait en déduire qu’il ne craint pas de devenir votre adversaire.

— Mon Dieu, répliqua la jeune fille, la vanité contra­riée peut pousser le meilleur des hommes à des erreurs parfois très regrettables. Si mon oncle Tristan était là, il ne manquerait pas de vous citer, car lui aussi a sa manie, l’exemple du fils du célèbre Nostradamus, qui, ayant pré­dit l’incendie de la ville de Pouzin, y mit lui-même le feu pour être bien sûr que l’oracle s’accomplît. C’est un peu le cas de mon père : Il a juré que je n’épouserai qu’un aviateur, et je ne serais pas surprise qu’il inventât de toutes pièces un candidat, pour la seule satisfaction de n’avoir pas juré en vain.

Jean-Louis Vernal l’avait laissé dire sans essayer de combattre cette version. Mais lorsqu’elle eut achevé, il la supplia de ne pas s’abandonner à une opinion peut-être légère, et en tous cas, funeste à sa tendresse filiale.

— Les apparences sur lesquelles vous fondez votre raisonnement sont trompeuses, affirma-t-il ; que votre père cherche à pallier les malheurs dont vous êtes la victime, c’est, somme toute, logique, puisque, dès le premier jour il s’est déclaré un champion des hommes de l’air. Quant