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L’AVIATEUR INCONNU

père ne peut exiger que sa fille se marie contre son gré… Au reste, je serais étonné que le rival imaginé par vous s’obstinât à briguer ma main, sachant ma volonté formelle de la lui refuser !

— Hum ! il suffirait d’un ambitieux sans scrupule…

— Jean-Louis, vous battez la campagne ! J’aurais cent fois préféré que ce fâcheux événement ne vous eût pas été révélé. Vous en êtes à présent à vous forger des chimères, à construire tout un roman sur une farce de mauvais goût. Vous en arrivez même à me dire des choses pénibles…

— Moi, grands dieux !

— Vous, parfaitement, prononça Elvire avec un courroux simulé. Vous m’avez clairement laissé entendre que, dans le cas où un compétiteur apparaîtrait, vous jugeriez vos chances compromises, façon aimable de me déclarer qu’avec moi, le dernier qui parle à raison !

— Écoutez, chérie…

— Non, je n’écoute rien… vous êtes un méchant !

— Ce n’est pas vrai… Et puis, après tout, je suis très content que vous soyez en colère !

— Ah ! c’est le comble !

— J’ai ainsi l’assurance que les pires surprises du destin seront impuissantes à nous désunir !

— Alors, vous aviez besoin de cette expérience pour en acquérir la certitude ? Vous voyez bien que vous vous méfiez, vilain !

Ce dernier mot, articulé d’une certaine manière et par des lèvres adorées est tout l’opposé d’un affront. Proba­blement Jean-Louis Vernal y trouva-t-il un stimulant incomparable, car, se hissant au faîte de la grille et se penchant vers l’intérieur du jardin, il murmura, rieur et tragique :

— Pour effacer cette injure, Elvire, vous n’avez plus que la ressource de vous agenouiller sur le soubassement afin de rapprocher votre visage du mien. Gardez-vous de refuser… déjà les pointes de la grille m’entrent dans l’es­tomac ! Le temps presse !

— Jean-Louis, voulez-vous bien descendre !

— Sans avoir obtenu le prix de mon escalade ?… Plutôt mourir transpercé !

— Mais c’est du chantage !