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L’AVIATEUR INCONNU

— Mais, enfin…

— Répondez : cette beauté vous était-elle indifférente ?

— Mais pas du tout !

— Tiens, tiens ! vous l’avez prise en considération, cette beauté, vous en avez été flatté, avouez-le !

— Dame, c’est naturel… mais à quoi rime votre interro­gatoire ?

M. Bergemont, en examinant celle que vous vouliez prendre pour femme, autrement qu’au point de vue utilitaire, en appréciant son charme, sa grâce, la clarté de son regard, la douceur de son sourire, vous vous êtes montré artiste sans vous en douter. Car c’est justement cela qui est l’art, monsieur Bergemont, c’est le superflu dont il est impossible de se passer, qui ne sert à rien et sans quoi l’existence est insipide ; l’inutile, en un mot, dont un poète a dit :

L’inutile, ici-bas, c’est le plus nécessaire.

« Vous, monsieur Bergemont, en choisissant votre compagne, vous avez accordé autant d’importance et peut-être davantage, à sa beauté qu’à ses mérites… Eh bien, l’art, c’est la beauté de la vie !

Le père d’Elvire haussa les épaules et s’efforça de trouver une repartie foudroyante, mais l’inspiration lui manqua. Il grommela le mot de « fadaises ! » et sortit en claquant la porte. Les jeunes gens et l’oncle Tristan restèrent seuls.

— Vous l’avez désarçonné, dit Bergemont aîné, mais votre cause n’en est pas devenue meilleure, au contraire. Pour le moment, il est préférable de ne pas insister. Si mon frère est opposé à vos desseins, mes enfants, j’y suis, moi, favorable et je vous promets de travailler à leur réalisation. À propos, continua-t-il en s’adressant au peintre, de qui donc est ce vers que vous avez si heureu­sement cité tout à l’heure ?

— De François Coppée, répondit Jean-Louis.

— Parfait… vous savez que je suis amateur de ces sortes de choses… Allons, ne nous désespérons pas, nous finirons bien par avoir raison… Nous trouverons bien un moyen de tourner l’obstacle !