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L’AVIATEUR INCONNU

— Ah ! bah !

— Et vous devinez bien qu’il s’agit de…

— Naturellement ! de notre sympathique voisin Jean-Louis Vernal ! Tiens ! tiens ! une idylle s’est formée sans que ton pauvre aveugle de père s’en soit aperçu. Ce malheureux, à force d’imaginer des voyages dans la lune, ne voit même plus ce qui se passe sur la terre !

Elvire faillit répondre que l’aveuglement de Bergemont aîné valait celui de Bergemont cadet… Mais elle avait besoin de son oncle et tenait à le ménager. Au surplus, M. Tristan, tout heureux de prendre part à l’intrigue de sa nièce, oubliait que, deux minutes plus tôt, son ignorance à cet égard était absolue. De bonne foi, il se jugeait très perspicace.

— Une idylle ! répéta-t-il avec complaisance, une idylle dont mon absurde frère ne sait rien de rien ! Et l’on viendra encore nous rebattre les oreilles de la sagacité paternelle, de la prévoyance et de l’expérience, et patati et patata ! Quelle pitié ! Ah ! ce n’est pas moi qui montrerais une pareille naïveté !

— Enfin, mon oncle, quel est votre sentiment sur Jean-Louis ? interrogea Elvire.

— Oh ! je le trouve très gentil, très comme il faut ! Sa situation de fortune est convenable, paraît-il ?…

— Oui, sans être riche, il a son indépendance assurée. De plus, c’est un peintre de grand avenir !

— Je l’espère… Mais j’avoue que les garanties du présent me rassurent davantage ! Es-tu bien certaine de l’aimer, ma petite Elvire ?

— Mon oncle, si je ne l’épouse pas, je n’épouserai personne !

— À la bonne heure, voilà une réponse catégorique ! Note, mon enfant, que, si j’étais aussi égoïste que ton père, je m’emploierais à te décourager afin de te garder pour égayer mes vieux ans. Mais ne crains rien. Tu as bien fait de t’adresser à moi, de compter sur mon désintéresse­ment et mon aide, ils ne te feront pas défaut. Félix n’a qu’à se bien tenir !

Il allait et venait en se frottant les mains, tout joyeux à l’idée d’entrer en rivalité avec son frère. Elvire ne s’était pas trompée dans ses conjectures : si son père s’entêtait à s’opposer à son union avec Jean-Louis, l’oncle Tristan