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L’AVIATEUR INCONNU

Elvire plus agacée qu’elle n’aurait dû l’être et comme si l’obstination de son père la blessait gravement, je ne peux m’engager dans une voie aussi arbitraire !…

— Bon, bon, nous verrons cela plus tard !

— Reconnais plutôt que tu as voulu plaisanter !

— Détrompe-toi !

— Enfin, s’exclama la jeune fille, irritée à son tour, peu m’importent, à moi, l’aviation et ses prouesses ! Je ne tiens pas du tout à être le gage de votre engouement, si justifié soit-il !

— Bravo ! approuva l’oncle en applaudissant du bout des doigts.

Bergemont cadet rassembla toute l’autorité dont il dis­posait pour répondre sèchement :

— J’ai dit !

Or, le père d’Elvire, s’il était, en réalité, dépourvu d’énergie, se signalait par un entêtement farouche beau­coup plus redoutable, en certains cas, que la volonté cons­ciente et lucide du véritable chef. Sa douceur, son tempé­rament débonnaire n’excluaient pas, chez lui, un acharnement systématique à poursuivre des desseins qui n’en valaient pas la peine ; incapable de s’adonner à un travail suivi depuis que sa fortune lui permettait l’oisiveté, il était non seulement assez obstiné pour ne pas se dessaisir d’une marotte lorsqu’il s’en était emparé, mais encore pour faire triompher son caprice envers et contre tous. Doux comme un mouton, oui, certes, mais mouton enragé quand il était piqué de quelque tarentule. Sa fille, qui connais­sait à merveille les replis de son caractère, avait donc sujet de ne point prendre à la légère ce projet, futile en apparence, de lui donner un aviateur pour mari.

Mais elle avait une autre raison de témoigner de la nervosité, une raison que Bergemont cadet ne soupçonnait guère, ni même Bergemont aîné ! Après un dîner où la bou­derie s’était prolongée jusqu’au dessert, les deux frères avaient regagné leur appartement, laissant Elvire à son office de maîtresse de maison. Bientôt, les domestiques s’éloignèrent, mais Elvire, au lieu de se retirer, elle aussi, dans sa chambre, jeta une cape sur ses épaules, — en septembre, au bord de la mer les soirées sont fraîches, — rouvrit la porte de la villa et se glissa dans le jardin. Celui-ci était clos, du côté de la route, par un mur bas