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qui était très-jolie, a laissé un roman imprimé très-agréable ; mon père l’avait épousée par amour quelques années après sa rupture avec l’actrice ; elle l’aidait très-bien à faire les honneurs de sa maison. Mon père, qui était d’une taille haute et d’une figure agréable, était né dans l’île Saint-Louis, et fils d’un greffier de Paris. Ma mère était fille du baron de Lupigni, un riche négociant de Lyon, que la Révolution ruina. Il était anobli avant la naissance de ma mère qui naquit demoiselle, comme on disait. La famille de ma grand’mère maternelle était de Montmeillan, un des plus beaux endroits de la Savoie. Ma sœur et moi nous fûmes élevées dans les plaisirs et la prospérité. Mais cette fortune, basée sur les événements du jour, et secondée par les plaisirs, croula vite. Pour moi, inspirée par mes études de l’histoire romaine, je ne songeais, dans les malheurs de mon pays et de ma famille, qu’à garder cette égalité d’âme que les anciens commandent dans les revers et les prospérités.

Dès l’âge de huit ou dix ans, j’étais dévote ; je lisais une bible de Sacy, que j’avais trouvée à la maison ; tous les matins, je tenais ma sœur en prière avec moi. Mon père nous surprit plusieurs fois à genoux ; quand j’eus douze ou treize ans, il dit à ma mère de me faire lire la correspondance de Voltaire et du roi de Prusse. Ma foi dans la bible disparut, mais non mon sentiment naturel pour Dieu, qui dura toujours et fut mon plus grand appui dans la vie. Je ne cessai jamais de prier Dieu et de l’adorer.

Mais, dès l’âge de douze ou quatorze ans, un certain trouble, un certain effroi, dérangèrent les pures études