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chimère : et la voilà qui s’en va avec un adieu tendre, des souhaits généreux et une joie indicible. Elle se réfugie en Italie plusieurs fois, et le plus souvent à la campagne dans quelque solitude où elle s’occupe de son enfant, où elle partage son temps entre lui, l’étude des livres et la contemplation de la nature. Un calme inouï succède sans transition aux plus violents transports. Elle travaille, elle a tout de suite à son service la mémoire, la lucidité, la persévérance. Elle achève tous les travaux qu’elle entreprend, et ces phases de travail font partie de ce qu’elle appelle ses enchantements ; car vous pourriez croire, d’après le titre, que c’est Armide qui va vous raconter les incantations magiques où elle enferme et retient les chevaliers. C’est tout le contraire. C’est elle qui subit les enchantements en amour ou en amitié, et qui s’en crée à elle-même par l’étude, pour les savourer dans la retraite.

Je ne trouve nulle part dans son récit un élan de passion maternelle : mais si elle n’a pas dit, elle a prouvé. Elle a élevé ses enfants, elle n’a rien caché à eux ni aux autres, elle les a nourris de son lait. Elle leur a appris probablement le grec et le latin, l’histoire, les littératures, les philosophies, tout ce qu’elle sait à fond et sérieusement. Elle en a fait des hommes. Il est évident que dans la situation particulière où elle se trouve vis-à-vis d’eux, le silence de sa plume est une réserve fière et dis-