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été en butte à un mépris lointain, il est vrai, mais grossier et stupide. Ô vous qui avez défendu la patrie, vous qui fûtes proscrits pour avoir bien fait ; vous qui avez souffert dans les temps passés, vous aujourd’hui qui gémissez et mourez dans les cachots et les forteresses de l’Autriche, dans les mines de la Sibérie ; vous dont le malheur illustre n’a trouvé en Europe que des larmes, vous avez du moins trouvé des larmes ; mais les femmes dévouées et héroïques n’en trouvèrent pas. Si les plus intrépides se consolèrent assez par l’amour qui se suffit trop, combien d’autres plus timides regrettèrent leurs frères, leurs enfans, leurs amis, qui, soumis au préjugé, les blâmèrent ! Que de gêne ces femmes timides trouvèrent à toute chose ! Galantes et frivoles, elles se seraient fait pardonner ; honnêtes et sensibles, elles furent victimes. Nous parlons de la France ; mais dans une contrée voisine, de l’autre côté de ce bras de mer qui sépare deux peuples si différens, combien les femmes sont opprimées ! Si là une d’elles, par le droit de la nature, en appelle de ses premières affections mal engagées et se lie dans un nouvel engagement, cette femme, séparée de ses premiers enfans, bannie de la société, reléguée dans sa maison, voit encore ce qu’on appelle sa faute rejaillir sur ses filles. Parce qu’elle avait souffert dans une première union, on l’a fait souffrir pour toujours ; on l’a punie dans ses enfans : supplice affreux qu’une morale impie a trop employé. Et ici arrêtons-nous, nous femme et mère, devant cette morale atroce qui poussa tant de malheureuses filles à tuer leurs enfans. Qu’on dise si les préjugés pouvaient avoir un plus criminel résultat. Jadis on a exposé les enfans ; en Asie on les expose encore ; dans l’Inde on tue les filles ; mais ici, c’est la mère tremblante, vaincue dans sa force, la force maternelle, la mère, à ce moment terrible où les entrailles se déchirent et parlent un si grand langage,