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Quant à Mam’zelle Miss, je ne voulus pas croire à sa nouvelle situation.

Et pourtant c’était vrai.

Mam’zelle Miss, caissière chez un boucher !

Vingt fois dans la journée, je repassai devant la boutique. C’était justement jour de marché.

Le magasin s’encombrait sans relâche de paysans, de cuisinières et de dames de la ville.

Les garçons, affairés, coupaient, taillaient dans les gros tas de viande, tapaient fort, livraient la marchandise avec des commentaires où ne reluisait pas toujours le bon goût. Et c’étaient des discussions sans fin à propos du choix des morceaux, du poids et des os.

Dans tout ce brouhaha, Mam’zelle Miss, tranquille, exécutait de petites factures vertigineusement rapides et sans nombre. Sévèrement vêtue de noir, un col droit, des manchettes blanches étroites, elle avait, malgré sa figure restée enfantine, un air, amusant comme tout, de petite femme raisonnable.

De temps en temps elle s’interrompait de son travail pour lisser, d’un geste furtif,