Page:Allais - À l’œil.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans le fauteuil devant mon bureau. Autant que l’obscurité le permettait, je vis qu’elle avait le peignoir blanc qu’elle mettait lorsqu’elle pouvait encore se lever.

Dans la chambre traînait son parfum favori, une odeur lourde et troublante où dominait le winter green, que ses sœurs lui envoyaient d’Amérique, et qu’elle préférait à tout autre.

J’étais resté sur le seuil, muet de terreur. Le courage me revint et sachant bien que j’étais l’objet d’une hallucination, je frottai une allumette et m’avançai.

Il n’y avait en effet personne sur le fauteuil. Rien n’était dérangé. Mais comment ce parfum se trouvait-il épandu dans la chambre ?

Cette odeur qui la ravissait m’était odieusement pénible, et il avait fallu tout mon amour et toute ma patience avec elle pour que je m’y habituasse.

De plus, j’avais rangé dans des coffrets tous ses objets de toilette, et plus jamais, depuis sa mort, je n’y avais touché, tant leur vue ravivait ma douleur.

J’ouvris mes fenêtres et me promenai sur le balcon jusqu’à ce que cette odeur fût complètement dissipée, puis ma lassitude l’emporta sur mon énervement et je pus bientôt m’endormir.

Pas pour longtemps. Un petit bruit alerte et