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en l’air, gentilles, elles s’en vont n’importe où.

Et je les ai suivies.

Discrètement, sur l’autre trottoir, boulevard des Batignolles, une pauvre jeune femme, affaissée sur un banc, presse contre elle deux bébés, deux pauvres bébés, au teint de cire, des cheveux qui semblent d’une filasse passée au chlore, deux pauvres bébés sur qui pèse la misère bête, injustifiable.

Pauvres gosses qui ouvrent de grands yeux effarés et qui ont l’air de dire : Pourquoi, pourquoi donc si malheureux ? Pauvres gosses !

Alors, Martha, qui adore les enfants, prend le plus petit dans ses bras et le câline.

Lucy passe sa main sur le nez de l’autre.

Mary Ann parle à la maman.

De l’autre côté du boulevard, je contemple la petite scène, et j’ai bien envie de leur apporter des sous pour les rendre tous heureux.

Mais les voilà partis ensemble.

Ils entrent dans une grande maison.

Je les suis.

Les petites Merry-Joë se sont mises à chanter.

Comme elles connaissent leur public parisien, elles ont attaqué : En r’venant d’la revue.

J’entends la voix perçante de Lucy :


Moi j’faisais qu’admirer
Notr’ brave général Boulanger.