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Alladine et Palomides

Et cependant, ce n’est pas son regard ordinaire… Je l’ai vu bien des fois lorsqu’elle arrêtait ses beaux yeux sur des enfants, sur la forêt, la mer ou sur ce qui l’entoure. Elle me sourit comme on sourit à l’ennemi ; et je n’ose me pencher sur elle qu’aux moments où ses yeux ne peuvent plus me voir… J’ai quelques instants tous les soirs ; et le reste du jour, je vis à ses côtés les yeux baissés… Il est triste d’aimer trop tard… Elles ne peuvent pas comprendre que les années ne séparent pas les cœurs. Ils m’avaient appelé « le roi sage »… J’étais sage parce que rien ne m’était arrivé jusqu’ici… Il y a des hommes qui semblent détourner les événements. Il suffisait que je fusse quelque part pour que rien ne pût naître… Je l’avais soupçonné autrefois… Au temps de ma jeunesse, j’avais bien des amis dont la présence semblait attirer toutes les aventures ; mais les jours où je sortais avec eux, à la rencontre des joies ou des douleurs, ils s’en revenaient les mains vides… Je crois que j’ai paralysé la destinée ; et longtemps, j’ai tiré vanité