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La Mort de Tintagiles

bonheur. Je me suis dit un jour, tout au fond de mon âme ; et Dieu lui-même pouvait l’entendre à peine ; — je me suis dit un jour que j’allais être heureuse… Il n’en fallut pas davantage ; et quelque temps après, notre vieux père mourait et nos deux frères disparaissaient sans qu’un seul être humain puisse nous dire où ils sont. Me voici toute seule, avec ma pauvre sœur et loi, mon petit Tintagiles ; et je n’ai pas confiance en l’avenir… Viens ici ; assieds-toi sur mes genoux. Embrasse-moi d’abord ; et mets tes petits bras, là, tout autour de mon cou… on ne pourra peut-être pas les dénouer… Te rappelles-tu le temps où c’était moi qui te portais le soir, quand l’heure était venue ; et où tu avais peur des ombres de ma lampe dans les longs corridors sans fenêtres ? — J’ai senti que mon âme a tremblé sur mes lèvres, lorsque je t’ai revu, tout à coup, ce matin… Je te croyais si loin et si bien à l’abri… Qui est-ce qui t’a fait venir ici ?