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évocation d’où ressortait une haine contre les Occidentaux, une fatigue de la vie civilisée, il parlait en termes attendris des lointains souvenirs, de Mionoska et du vieux Fousi-Yama.

Jamais, depuis son départ, Fidé n’avait exprimé de pareils sentiments. Le vieillard le bénit et lui fit préparer une réception solennelle. Il revêtit le costume national, aux soieries brillantes, et ceignant son sabre le plus riche, orné de ciselures délicates, il partit pour le port d’arrivée.

Depuis vingt-quatre heures, il se promenait fiévreusement sur le quai de Yokohama, exposant son visage bronzé au souffle âpre des brises, tandis qu’à ses pieds les vagues clapotantes mouraient sur la jetée, exhalant une senteur saline et déposant une écume blanche. Deux jours auparavant, on avait signalé le paquebot. Le Samouraï était venu, et depuis, sans relâche, il interrogeait l’horizon de ses regards anxieux, demeurant là des heures entières, agité d’un tremblement fébrile, remettant de minute en minute un repos indispensable. Pour la centième fois, il relisait la lettre de Fidé.

Enfin, sur l’étendue houleuse des flots, dans le lointain, un point noir venait d’apparaître, et les gens s’assemblaient sur le quai. La tache sombre entrevue grossissait d’instant en instant, et tout-à-coup, doublant la pointe escarpée de la presqu’île, étalait par le travers les flancs élancés