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est émaillée de bien peu de joies et qu’en somme il est plus sage de ne pas être. Not to be.

Il entra chez un armurier, acheta un stylet italien à lame triangulaire acérée. Il fit ployer l’acier pour s’assurer de sa solidité et mit ensuite froidement l’arme dans sa poche. Un seul désir subsistait dans son âme endolorie, prête à la mort, le besoin de confier à un être humain le secret de sa désespérance. Valterre parti, la pensée de revoir ses amis de la Grande Vie lui donnait des haut-le-cœur. Machinalement il traversa les ponts. C’était le soir. Une pluie fine, monotone attristait la rue et salissait les trottoirs déserts. Dans les brasseries un bruit persistant, un tapage de voix féminines vibrait. La grande noce des étudiants et des bohèmes se perpétuait, toujours la même, malgré le changement des personnages devenus bourgeois respectables ou grues cotées. Taïko-Fidé pensa aux vadrouilles de jadis, à ses amis les Tristapattes. Il entra. C’était bien là ce qu’il avait connu autrefois : la pareille gaîté ordurière, bête et soulographique, les mêmes femmes avilies, les mêmes clients ivres, la grande symphonie de la bêtise qui ne se respecte pas encore. Mais pas un visage ne rappelait un souvenir au Japonais. Tout passe, tout change. Il sortit, entra dans une autre brasserie. Enfin, à la Haute-Meuse, il rencontra Boumol qui pérorait au milieu d’un groupe