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mait ses tempes où l’artère battait prête éclater. Ses pensées dansaient dans son cerveau une ronde fantastique, se mêlant, se heurtant, chantant une musique désespérée. Ainsi tout était fini. Il se retrouvait après quatre années sur le pavé de Paris, ruiné, écœuré, trahi, le cœur torturé. C’était là le but vers lequel il se dirigeait avec une persévérance opiniâtre, depuis son premier voyage à Yokohama. Oh ! les douces années de la jeunesse, les séduisants souvenirs, pleins de fleurs, de soleil, de teintes vives et d’existence paisible dans la vallée de Mionoska ! Quoi ! il était né parmi les puissants de la terre et tout un avenir heureux et facile s’ouvrait devant lui, ménagé par les soins paternels du noble samouraï. Et tout cela avait été repoussé, sacrifié, détruit. Pareil à l’Ève biblique, la curiosité l’avait perdu. Il était parti pour l’Europe tentante, plein de foi en lui-même, avec l’amour de choses nouvelles et la conviction d’un retour proche. Aujourd’hui la désillusion l’écrasait et il ne demeurait rien des joies du passé. Son père était ruiné ; il se trouvait, lui, sans ressources, avec le sentiment d’une existence manquée. Qu’allait-il devenir maintenant ? Attendre dans la misère, la souffrance et les humiliations, puis retourner là-bas pour être un objet de risée, pour entendre son vieux père lui reprocher son sot et criminel entêtement ? Encore, cela c’était peu. Mais vivre