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l’heure avançant, il proposa de faire honneur à la collation. Elle accepta très volontiers et, de ses dents blanches, grignota des friandises.

La nuit tombait. À la clarté fuyante du soir succédaient les lueurs, plus crues, des illuminations. Les maisons, les monuments, les accidents de terrain, devenant indistincts, se fondaient dans une masse brunâtre, où, seuls, les points et les cordons lumineux prenaient une signification et servaient de repères. Une à une, de la brume légère qui se déplaçait sous la poussée douce de la bise, surgissaient des lumières nouvelles, jaunes ou diversement colorées, scintillantes ou immobiles, isolées ou réunies en longues traînées éclatantes. Juliette, très intéressée, cherchait à se reconnaître : là-bas, tout à gauche, cette grande nappe éclairée devait être la place de la République. Un peu à droite, les phares électriques des tours Notre-Dame jetaient dans les airs leurs rayonnements tremblants et aveuglants comme des clartés lunaires. À des distances difficilement appréciables dans cette fournaise nocturne, l’Opéra dressait sa masse imposante au milieu des flots de gaz et d’électricité, les tours de Saint-Sulpice, les Invalides, le Panthéon, le Trocadéro avec son éclairage régulier, l’église Saint-Augustin, pareille à un dôme enflammé, dessiné en l’air en traits phosphorescents. Dans la buée blan-