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ment, derrière le concert des Ambassadeurs, des collégiens et des messieurs graves se montraient des albums où ils avaient collé des timbres-poste oblitérés et faisaient la cote, discutaient sérieusement les prix. Mais la plus grande animation était au milieu de l’avenue, où passait un courant ininterrompu de voitures, jaunes, noires, armoriées, à un cheval, à deux chevaux, tantôt ornées de cochers corrects, tantôt conduites par des collignons à face patibulaire. En passant devant les rosses des fiacres qui trottaillaient péniblement, les bêtes de sang des équipages piaffaient, courbant la tête gracieusement, dansant sur leurs jarrets vigoureux. Au fond des voitures, des gens emmitouflés de fourrures se renversaient dans des attitudes pleines de bien-être. Et tous, équipages et fiacres, pareils à des fourmis noires, semblaient, sur l’avenue en pente, monter à l’assaut de l’Arc-de-Triomphe qui dresse au sommet sa masse imposante, éternellement pensive.

Taïko-Fidé s’était arrêté. Justement, là en face, à la porte du palais de l’Industrie, il avait, pour la première fois entrevu Solange. Alors, il allait risquer sa vie pour Juliette. Depuis, que d’événements se passaient ! Qu’était-elle devenue, Juliette ?… D’ailleurs, que lui importait ? Il ne l’aimait plus. Ce n’était pas elle, dont le souvenir l’emplissait de morne désespérance. Juliette : une histoire finie, enterrée, un caprice tout au plus