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sa pensée de cette préoccupation opiniâtre. Le soir, sans un mot d’explications, elle fondit en larmes entre les bras de la bonne Mlle de Kartynn, très inquiète.

— Mon Dieu ! est-ce que je l’aimerais !

Une angoisse accablante, la crainte de nouveaux désespoirs, des sensations inconnues, vives et douloureuses, s’emparaient d’elle, la remplissant d’une appréhension incessante. Cet amour qu’elle avait tant désiré rencontrer, lui causait, maintenant qu’elle le pressentait, une insurmontable terreur et elle cherchait désespérément à reprendre possession d’elle-même.


Taïko-Fidé ne soupçonnait guère ce qui se passait dans l’esprit de Mlle de Maubourg. Dominé par une passion folle, irrésistible, qu’enhardissait son extrême exaltation, il avait fait à la jeune fille la confidence de son amour. Mais bientôt des obstacles immenses, invincibles, lui apparaissaient, accrus encore par la froideur de Solange, chez Mme d’Antremont. Cependant, cette douleur s’effaçait rapidement : le Japonais, avec la mobilité d’esprit de sa race, était surpris et charmé par le spectacle de son amour même, ce sentiment exquis et délicat qu’il s’imaginait si difficilement autrefois. Cette affection profonde l’émerveillait, qui exerçait la pensée à bâtir mille projets charmants, mais irréalisables, fantastiques,