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par les sévérités odieuses de la règle. On interprétait à mal ses aspirations les plus innocentes pour l’asservir aux pratiques d’un bigotisme qu’elle détestait instinctivement. Afin de garder intacts ses sentiments, l’enfant se réfugiait dans sa fierté et l’orgueil de son nom patricien et, durant des années, elle demeurait hautaine et silencieuse, intimidant par son attitude ses maîtresses et ses compagnes parmi lesquelles elle ne comptait pas une amie. À seize ans elle revenait à l’hôtel de Maubourg, joyeuse comme un oiseau qui s’envole dans l’azur libre. Mais hélas ! pour elle la vieille habitation était un second couvent et la duchesse, d’une parole sévère, avait glacé tous les élans de Solange, toutes ces effusions si longtemps contenues. La jeune fille avait rêvé Ia liberté, la vie, elle ne faisait que changer de prison et de geôlier ! Rarement elle voyait ses sœurs, déjà mariées et lancées dans l’absorbante existence mondaine et Gontran, le seul être qui lui témoignât quelque affection, n’était jamais à l’hôtel. Alors, elle avait repris en pleurant son masque de froideur, isolant son chagrin dans la tristesse des grands appartements vides, contant ses pauvres rêves envolés à mademoiselle de Kartynn son institutrice. La bonne demoiselle consolait Solange, versant elle aussi, des larmes sur sa jeunesse passée, sacrifiée, quoiqu’elle fut belle : jadis et désireuse d’amour, mais parce