Page:Alis - Hara-Kiri, 1882.pdf/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.

trer au Tout-Paris, le plus grand journal de la capitale, où les rédacteurs sont très grassement payés et acquièrent quelquefois, à la longue, une part de propriété. Il fallait l’emporter sur des concurrents nombreux. Une fois dans la place, Estourbiac, confiant en son habileté, était sûr d’arriver au pinacle. Comme il ne pouvait activer la marche des choses, il attendit patiemment, et il avait droit de se croire bientôt près du succès, lorsqu’il lui vint la malheureuse idée de tenter le lancement du Boulevard. Il trouvait le temps long, et il avait conçu le projet grandiose de faire lui-même un journal, de commander au lieu d’obéir. Après réflexion, ce projet lui paraissait non-seulement praticable, mais plein de chances de réussite. Seulement, il s’agissait de trouver les fonds nécessaires. Estourbiac déplora l’absence des capitalistes. Du reste, cette difficulté ne demeura pas longtemps insurmontable pour son esprit inventif. Un matin, très correctement vêtu, superbement ganté, le port altier, il pénétra dans la loge d’un concierge de la Chaussée-d’Antin. Il y avait, au premier, un vaste et beau local à louer. C’était fort cher, mais Estourbiac n’en était pas à cela prés. D’un air dédaigneux, il visita les chambres, adressant certaines critiques que le concierge recevait la tête basse. Puis, finalement, sans marchander, il retint l’appartement, annonçant l’intention d’y établir un journal, et sortit en