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tées. Un avachissement lourd, une bestialité immonde abjectaient ces viveurs élégants et les terrassaient comme des brutes. Hommes et femmes en étaient au même degré. Cora, vautrée sur un canapé, le corsage ouvert, les cheveux défaits, dormait d’un sommeil agité, les seins oppressés. Manieri essayait de croquer la grosse Timonnier, ronflant, la tête renversée en arrière, mais il ne comprenait rien à son croquis et l’avait recommencé vingt fois. Valterre, le visage caché entre ses bras étendus sur la table en oreiller, dormait comme un juste, rêvant tasses de lait et fleurs des champs tandis que Juliette et Léa, comme des prêtresses antiques, effeuillaient des roses enlevées aux corbeilles, sur son crâne dénudé. Sosthène Poix s’était fait donner ce qu’il faut pour écrire et taillait un grand bête de drame destiné au Château-d’Eau en déclamant de temps en temps les phrases à effet.

— Tu verras ce qu’il en coûte d’insulter un vieillard ! — Ah misérable ! — Je ne suis qu’une femme… — Cette femme, cette femme, c’est ma maîtresse ! — C’est ma mère, à moi. — Ah !

Otto Wiener, un cigare éteint entre les dents, hochait la tête en mesure, et, le chapeau sur le crâne, fixait une carafe frappée d’un œil hébété, sur lequel s’incrustait son éternel monocle. Le musicien semblait vouloir tirer de cette carafe une inspiration qui refusait obstinément d’en