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y eut un de ces longs silences qui, au début des repas, s’emparent des gens affamés ; mais toutes les physionomies étaient joyeuses. Seul Taïko demeurait sombre, agacé par les folies de sa maîtresse. La petite Cora ne semblait guère se soucier de l’état maussade de son amant, mais Juliette Saurel observait Fidé et remarquait son mécontentement. Elle s’efforçait d’attirer son attention par un sourire, la rencontre fortuite d’une main ou le frôlement du genou, mettant en œuvre cette diplomatie savante qui use de petits moyens pour arriver aux plus grandes choses. Mais tout cela tombait en pure perte devant la froide impassibilité du jeune homme. Il regardait Cora et trouvait décidément cette fille ennuyeuse. Dans les premiers temps, outre sa très réelle beauté, le prestige de la femme européenne avec ses coquetteries, la chatterie de ses attitudes, l’avaient séduit. C’était nouveau, et leur liaison n’avait pas duré assez longtemps pour qu’il pût s’en lasser. Plus tard, en la retrouvant dans la boîte du père Monaïeul, rehaussée par l’éclat de la rampe et les applaudissements enthousiastes d’une salle entière, il avait senti renaître ses désirs mal étouffés et qu’accroissaient ces excitants inattendus. Mais cela n’avait pas duré. D’autres femmes, en tout pareilles à Cora, étaient devenues ses maîtresses d’une nuit. Chez toutes il rencontrait les mêmes séductions superficielles,