Page:Alis - Hara-Kiri, 1882.pdf/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
104
hara-kiri

la mesure et le ton, tandis que le compositeur, stupéfié par cette méthode fantaisiste, plaquait vainement accord sur accord cherchant à étouffer les couacs et les fausses notes et, pénétré de tristesse, agitait sa rousse chevelure dans un tournoiement désespéré.

Quand elle eut fini son couplet, tous reprirent en chœur le refrain, hommes et femmes, les voix criardes et les voix graves formant un tutti quanti charivaresque, un vacarme d’où sortait une indescriptible cacophonie.

Alors, Wiener, le fils de la Muse allemande, implora dans une invocation suprême le dieu de Bach et de Wagner. Ses mains osseuses, aux doigts longs et effilés, se contractèrent nerveusement sur les touches blanches et noires, et s’y livrèrent à une exécution qui n’avait plus rien d’humain. Criant comme l’olive sous le pressoir, gémissant : sous les coups de poing du musicien, le vieux piano dominait l’ensemble, tandis que Cora ; la voix éraillée, essoufflée par ce long effort, la poitrine oppressée, criait encore :

Ça n’ s’ra pas vingt sous !
Ça n’ s’ra pas dix sous !
……………………………

Enfin, on servit les huîtres.

Tout le monde se sentait en appétit. Cora se tut, Otto ferma le piano et l’on se mit à table. Il