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CYBÈLE

la langue inconnue de ces étrangers, mais il vit le geste.

— Si je ne suis pas fou déjà, dit-il, ce n’est pas qu’il n’y ait ici de quoi le devenir. Mais enfin je suis croyable, je pense. Voulez-vous des preuves de mon identité ? Tenez, justement j’ai gardé sur moi mon portefeuille. Voici des lettres, des papiers de famille. Voilà des valeurs, voici ma carte : Marius Foulane, notaire aux Martigues (Bouches-du-Rhône).

Un savant universel comme était le professeur Alcor eut bientôt reconnu l’authenticité de ces pièces, depuis le timbre de la République française au millésime de 1890 jusqu’au papier filigrané illustré en couleur bleue par Paul Baudry. Ses yeux inquiets allaient alternativement de ces objets à la personne de Marius dont le veston quadrillé, le pantalon idem et le col cassé lui semblaient aussi étranges que tout le reste. Le digne homme se prit la tête à deux mains, fit quelques pas, respira fortement, puis se plantant brusquement devant le naufragé :

— Si je ne rêve pas en ce moment, dit-il, il faut que je sache si c’est vous ou moi, ou tous deux enfin qui avons perdu l’esprit. Voyons, raisonnons, ou plutôt déraisonnons ensemble : vous nous tombez des nues comme un bolide, vous ressemblez à un français du commencement de la troisième république, vous en parlez la langue et vous paraissez ignorer le temps