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CYBÈLE

plus d’un siècle avant de clore ses agitations. On allait donc l’entendre témoigner des vertus et des dévouements de ces temps héroïques.

Marius répondit d’abord à cette attente unanime en célébrant les pères de la Révolution, les proclamateurs pleins de foi des grands principes de 89, ancien style. Mais il fallut rabattre de cette admiration quand l’interrogatoire porta sur les années d’éclipse, sur les périodes d’affaissement moral qui alternaient avec les moments d’élans enthousiastes et d’efforts généreux. Précisément la jeunesse de Marius le plaçait dans une de ces périodes de lassitude et d’énervement qui étaient comme l’envers des temps de réveil et de noble ardeur. Ses souvenirs personnels ne lui rappelaient d’abord qu’une dictature commencée par la trahison et le crime et allant finir dans un océan d’autres hontes et d’autres trahisons avec la défaite et l’abaissement de la patrie. Puis venait une confuse mêlée de viriles aspirations et d’audacieuses turpitudes, mêlée qui durait encore lorsque fut rompu le cours des destinées terrestres du conteur.

— Comment définissez-vous enfin, insista l’un des plus intrépides questionneurs, l’idéal politique de votre temps actuel ?

— Cet idéal, dit Marius, est aisé à formuler : Ôte-toi du pouvoir et des places, que je m’y mette.