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CYBÈLE

teur à qui tout le monde fit le plus aimable accueil, et à la vue duquel la jeune fille ne put dissimuler un léger trouble tandis qu’un incarnat plus vif venait colorer ses joues. Cette fois c’était le comble ! Un sentiment qu’il n’avait pas encore sérieusement connu et qui était assurément aussi injustifié que celui qui l’avait attiré vers Junie, un atroce serrement de cœur causé par la jalousie, saisit subitement Marius. Ce visiteur, c’était qui ? Monsieur Camoin lui-même, son rival presque oublié des Martigues, le soupirant malheureux de sa Jeanne et ici, sans aucun doute, le fiancé fortuné de Junie. Cela se voyait de suite.

Comment, après tant d’assauts répétés d’une même fatalité inconcevable ne pas sentir chanceler et courage et raison ? N’était-ce pas le cas pour le pauvre amoureux de se croire en proie à un affreux cauchemar ? La réalité eut-elle jamais de ces coups-là ? Et pourtant, il fallait bien qu’il se rendît une fois encore à l’évidence et qu’il se dît que ce tableau vivant de l’infidélité de sa Jeanne ne le regardait pas. Mais même ainsi, n’était-ce pas toujours une torture intolérable qu’un tel spectacle ? Le cœur étreint, la tête perdue, il ne pouvait tenir en place, il souffrait trop. Et il sortit comme s’il s’enfuyait pour aller s’enfermer dans son appartement et s’y abîmer tout à son aise dans ses cuisants regrets et son morne désespoir.