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CYBÈLE

se levèrent et firent quelques pas dans une attitude presque craintive, les yeux étonnés et fixés sur un hôte aussi extraordinaire. Marius, lui, ne vit en ce moment que cette seconde Jeanne dont le regard le brûlait et le troublait si profondément qu’il n’eût pu articuler une parole. Heureusement que l’ignorance où étaient ces dames de la langue du terrien, et l’impossibilité évidente où il était lui-même de se faire comprendre par elles, le dispensaient de parler et sauvaient la situation. Namo se partageait, parlant pour tous, et expliquant de nouveau à sa mère et à sa sœur les principaux traits de l’aventure merveilleuse de son héros.

La curiosité, chose fort naturelle en présence de cet exilé d’un autre monde, n’était pas le seul sentiment qui se montrait sur les visages et dans les manières des deux femmes ; on y lisait, outre cela, de la sympathie et une réelle compassion pour la souffrance morale que devait éprouver un être humain ravi tout à coup à sa patrie et à ses affections. Et de fait, il était visible que l’infortuné souffrait cruellement en ce moment même. La désolation qui se peignait sur toute sa personne toucha l’aimable Junie. D’un mouvement aussi spontané que sincère, elle prit la main du jeune homme, et si ses paroles ne purent être comprises, ses grands yeux expressifs lui dirent au moins bien clairement : « Prenez