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que M. le Cardinal a mandé : ce sera pour demain ; nous verrons ce que le Roy en dira.

Puis, le lendemain, le même Chavigny écrit à la hâte :

Mortemar a dit tout au long au Roy le mot de M. le Grand. Le Roy n’a pas manqué, aussi-tôt ouy ce discours, de le rapporter à Chavigny.

C’est-à-dire à lui-même : Il persifle ainsi Louis XIII sur sa docilité !

Et je crois qu’il en fait de mesme à M. Des Noyers.

Le Roy m’a commandé expressément de le faire sçavoir à Son Éminence, et luy dire qu’il croyoit M. le Grand assez détestable pour avoir eu une si horrible pensée, et qu’il se souvient qu’il avoit à Lyon plus de cinquante gentilshommes qui dépendoient de luy.

On n’a rien oublié pour entretenir Sa Majesté en belle humeur. Le Roy a répété plusieurs fois que M. le Grand estoit le plus grand menteur du monde. Ainsi on peut espérer que l’amitié est bien usée dans le cœur de Louis XIII.

Le 6 juillet 1642 (que l’on remarque cette rapidité), les deux créatures du Cardinal-Duc, Chavigny et Des Noyers lui disaient le résultat de leurs insinuations :

Nous supplions très-humblement Monseigneur de se mettre l’esprit en repos, et de croire qu’il ne fut jamais si puissant auprès du Roy qu’il est, que sa présence opérera tout ce qu’elle voudra.

Le même jour le Cardinal-Duc écrit au Roi très-humblement, et sur le ton d’une victime et d’un prêtre candide que le Roi défend.




Son Éminence au Roy.

Ayant sçeu, dit-il, la nouvelle descouverte qu’il a pleu au Roi faire du mauvais dessein qu’avoit M. le Grand contre moy, contre un Cardinal, qui depuis vingt-cinq ans a, par la permission de Dieu, assez heureusement servi son maistre ; plus la malice de ce malheu-