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    1. MAHOMÉTISME##


MAHOMÉTISME, CHIISME MODÉRÉ

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(eux-ci(les Oumayyades) ne soit détruite, à cause de cette parole de Dieu (Coran, ii, 2<>) : Dieu le lit

mourir pendanl cent ans, puis le ressuscita et lui

demanda : combien de temps es-1 a resté? Il répondit

i un jour ou une portion de jour. Non, dit Dieu, tu es « resté cent ans… ois ton âne. Nous taisons de toi un

si^ne pour les hommes. Donc, en la centième année, envoie tes émissaires et les missionnaires. Dieu te donnera un succès complet. »

Ce passage du Coran, au dire des commentaires musulmans, vise Esdras, mais on a reconnu qu’il était une réminiscence d’un livre apocryphe de Baruch et la véritable signification nous échappe. Son caractère énigmatique avait séduit les faiseurs de prédiction, et ils l’avaient expliqué à leur façon. Cette période de cent ans était considérée par beaucoup comme critique. On attribuait à Mahomet un propos disant que cent ans après lui, personne ne subsisterait. Un dicton populaire affirmait que la vie de la daula était de cent ans. Or, ce terme, qui signifie proprement révolution fut adopté pour désigner la nouvelle secte mahdiste, qui devient ainsi la daulat 'abbâsside. Avec le succès de la secte, le mot prit le sens de dynastie qui lui est resté.

A vrai dire, la prédiction ne se réalisa pas mathématiquement, et l’année de l'âne ne vit aucune révolution. Il fallut attendre une nouvelle génération, et c’est aux fils de Mouhammad ibn 'Alî qu'échut le soin d’achever l'œuvre. Le premier, l’imâm Ibrahim, fut pris et mis à mort par les Oumayyades, le second ' Abd Allah, désigné par lui pour lui succéder, triompha enfin en 132 (750). Il prit d’abord le titre de Mahdî ; puis, pour des raisons que nous ignorons, il le laissa pour prendre celui de Salïàh, sous lequel il est connu.

Parmi les traditions relatives au Mahdî, il en est un certain nombre qui affirment qu’il doit appartenir aux descendants de 'Abbâs. A la naissance du fils de ce dernier, Mahomet se le fit présenter, lui donna le nom de 'Abd Allah et dit à sa mère : « c’est l’ancêtre des khalifes, jusqu'à ce que l’un d’eux sera as Saffâh, jusqu'à ce que l’un d’eux sera celui qui priera avec Jésus, fils de Marie, et c’est le Mahdî qui viendra à la fin des temps et son nom sera Mouhammad ibn 'Abd Allah. » Ibn 'Abbâs aurait dit de son côté : « II y aura parmi nous trois des gens de la maison : as Salïàh, al Mansoùr, al Mahdî », et les traditionnistes sont incertains s’il faut entendre par là le Mahdî attendu (pour la fin du monde) ou le troisième souverain 'abbâsside qui effectivement porta ce surnom, comme nous le verrons. D’après une autre version plus répandue, il devrait y avoir, non pas trois, mais quatre personnages : as Saffàh, al Moundhir, al Mansoùr, al Mahdî. Ce serait alors une variante de la théorie keïsanite énoncée par le poète Kouthayyir, et on peut se demander s’il n’y a pas une réminiscence des quatre forgerons de Zacharie (n, 3) où la littérature rabbinique a voulu voir des personnages messianiques, dont le dernier serait le masoùh milhamah. Celui-ci, nous l’avons vii, identifié d’abord avec Mouhammad surnommé nabî-1 malhama, se serait plus tard identifié avec le Mahdî.

Ce qui est certain, c’est que les trois premiers souverains 'abbâssides ont pris successivement les titres respectifs d’as Saffâh, al Mansoùr, al Mahdî. Le deuxième titre n’a pas été porté ; peut-être devait-il répondre à 'Abdallah ibn 'Alî qui prétendit succéder à as Saffâh son neveu, parce que celui-ci avait promis sa succession à celui qui vaincrait le dernier khalife oumayyade. Al Mansoùr ne reconnut pas cette prétention et, l’ayant vaincu, le fit mettre à mort.

Mais ce n’est pas par hasard qu’ai Mahdî portait ce titre et il n'était pas purement honorifique. Un patrice byzantin, venu à sa cour, lui expliqua qu’il avait désiré

le voir « parce que nous trouvons dans nos livres que le troisième des gens de la maison du prophète de ce peuple remplira la terre de justice comme elle l’a été d’iniquité. » C’est la formule même du mahdisme et c’est une variante de la tradition des trois personnages, et il n’est pas indifférent qu’elle soit attribuée à un Grec, car les Grecs passaient pour être savants dans les malâ im et les livres dont parle le patrice traitaient sûrement de cette pseudo-science. D’ailleurs, il s’appelait Mouhammad ibn 'Abd Allah et il représentait le Mahdî 'abbâsside à rencontre du Mahdi fâtimide qui s'était révolté contre son père.

En effet, l’imamat fâtimide qui avait sommeillé entre les mains des aînés de la famille, successivement 'Alî, Mouhammad, Dja’far, s'était réveillé et, jaloux du triomphe des 'Abbâssides, s’y opposait violemment. Déjà, en 122 (740) Zeïd, frère de Mouhammad le cinquième imâm, n’ayant pu le décider à prendre les armes, avait pris l’initiative de la révolte. Il semble qu’il se soit présenté comme mahdî, car lorsqu’il eut été tué dans la bataille et son corps attaché à un gibet, un poète oumayyade s'étonna de voir un mahdî en croix. On rapporte qu’il avait été renié par un grand nombre de ses partisans parce qu’il avait témoigné de son respect pour les premiers khalifes. Il les appela » les déserteurs » ou ftdfîdis et ce nom resta aux chiites ennemis de ces khalifes, par opposition aux zeïdites, chiites modérés, dont un groupe important s’est maintenu jusqu'à nos jours dans le Yémen.

Les Bâkirites.

Après la mort de 'Alî, le quatrième imâm, en 95 (714) c’est son fils Mouhammad

surnommé al Bâkir qui lui succéda. A lui se rattache la secte des bâkirites qui voyaient en lui le Mahdl attendu. Mais nous avons vu qu’il ne voulut pas combattre pour le pouvoir.

En 177, son fils Dja’far, surnommé as Sâdik, devint le sixième imâm. Pas plus que les précédents, il ne voulut entrer dans l’arène et il laissa la place à un prétendant de la branche de Hasan qui fit un moment trembler les 'Abbâssides, le fameux Mahdî Mouhammad ibn 'Abd Allah, surnommé : « l'âme pure <. On rapporte que, peu avant la chute des Oumayyades, les principaux 'alides et 'abbâssides s'étaient réunis pour organiser la résistance et avaient choisi comme chef cet 'Abd Allah. Très déçu de voir les 'abbâssides le supplanter, il s'était d’abord tenu à l'écart, mais quand le deuxième souverain al Mansoùr, fort peu scrupuleux, semble-t-il, commença de persécuter les 'alides, il leva l'étendard de la révolte, mais il échoua et fut mis à mort (145 = 763). A lui se rattache la quatrième grande secte mahdiste, celle des mouhammadiens qui refusèrent de croire à sa mort et déclarèrent qu’il continuait à vivre dans la montagne de Hâdjir (dans le Nadjd) jusqu’au jour où Dieu le ferait surgir à nouveau. Ils sont aussi connus sous le nom de Moughîrites, du nom d’un nommé Moughîra qui mourut bien avant ce mahdî, mais qui avait constitué une doctrine très étrange, sorte de syncrétisme des anciennes croyances de la Babylonie et de la Perse, et annonçant déjà les conceptions de ce qu’on a appelé l’ismaïlisme.

L’ismaïlisme qu’on peut considérer comme la cinquième grande secte mahdiste a joué un rôle considérable dans l’islamisme, et son action a débordé jusqu’en Occident. Nous donnerons à l’exposé de sa doctrine et à l’histoire des mouvements politiques et religieux qui s’y rattachent tout le développement qu’il mérite. Mais il nous faut d’abord suivre T’abbâssisme dans son évolution. Le troisième souverain 'abbâsside malgré son surmon de Mahdî, étant mort et les 'alides ayant décidément rompu avec les 'abbâssides, ceux-ci abandonnèrent peu à peu les doctrines chiites et, tout en gardant plus fidèlement l'âme musulmane qu*