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MABILLON

pold Delisle, art. cité, p. 101, de n’en trouver aucune mention dans le catalogue des œuvres de Mabillon, alors que dom Ruinart lui attribue et l’épître dédicatoire et les préfaces. » En 1674, dans la dissertation De azymo et fermentato, Mabillon soutient, contre le P. Sirmond, que le pain azyme et sans levain fut en usage dans l’Église latine avant le schisme de Photius. Comme fruit de ses recherches, Mabillon recueille encore des monuments précieux qu’il fait imprimer séparément en des volumes ayant pour titre : Vetera analecta, 4 vol. in-8o, Paris, 1675 et sq. ; ce sont des actes de conciles, chartes ou lettres d’empereurs, de rois, d’évêques, etc., avec des observations et dissertations sur des points d’histoire.

Mais l’ouvrage qui a surtout rendu célèbre dom Mabillon est son traité de Diplomatique qui parut alors sous ce titre : De re diplomatica libri sexin-fol., Paris, 1681. Le bollandiste Papebroch, S. J., avait attaqué l’authenticité de chartes conservées au monastère de Saint-Denis, Mabillon prenant les choses de plus haut, donna un exposé de la question sur les monuments de l’histoire nommés Diplômes, sur la forme dans laquelle ils ont été conservés, et formula d’une façon claire et méthodique les règles qui permettent de distinguer les vieilles chartes, de juger sainement les anciens titres, de reconnaître les pièces véritables et authentiques et de déclarer celles qui sont fausses ou falsifiées. L’ouvrage fut salué par toute l’Europe comme un chef-d’œuvre ; au moment où il parut, les savants le louèrent unanimement (à part une voix discordante, celle d’Adrien de Valois). Le P. Papebroch s’avoua vaincu dans une lettre, modèle de candeur et de bonne grâce qui fait honneur au chrétien et au savant : « Je vous avoue, y disait-il, que je n’ai plus d’autre satisfaction d’avoir écrit sur cette matière, que celle de vous avoir donné occasion de composer un ouvrage si accompli. Ne faites pas difficulté toutes les fois que vous en aurez l’occasion de dire publiquement que je suis entièrement de votre avis. » L’ouvrage eut un immense retentissement : Mabillon passa au nombre des premiers érudits de France ; Louis XIV voulut le voir. Le Tellier en le lui présentant le qualifia « l’homme le plus savant du royaume » et Bossuet ajouta : « le plus humble ». Mabillon fut édifiant de désintéressement ; Colbert ayant voulu lui accorder une pension de deux mille livres, l’humble religieux fit répondre : « Que pourrait-on penser de moi si, étant pauvre et né de parents pauvres, je recherchais dans la religion ce que je n’aurais espéré dans le siècle ? » Plus tard, il est vrai, on voulut contester la valeur du livre ; au collège Louis-le-Grand s’élabora lentement une réfutation que le R. P. Germon, S. J., fit paraître sous ce titre : De veteribus regum Francorum diplomatibus et arte secernendi antiqua diplomata a falsis ad R. P. J. Mabillonium disceptatio, in-12, Paris, 1703. La seule réponse de Mabillon fut la publication d’un supplément : Librorum de re diplomatica supplementum in quo regulæ denuo confirmantur, novisque speciminibus et argumentis asseruntur, Paris, 1704 ; il y complétait sa doctrine par de nouvelles observations, publiait de nouveaux documents et faisait l’application de sa méthode en restituant à l’aide des diplômes la chronologie, avant lui si confuse, des rois de France de la première race. Une nouvelle édition du Traité de diplomatique, revue par Mabillon, corrigée et augmentée par lui, mais que sa mort survenue en 1707 ne lui laissa pas le temps de publier, parut à Paris, en 1709 ; elle avait en outre 16 feuillets préliminaires et 16 feuillets d’Index numérotés par les soins de dom T. Ruinart.

Le livre, quoique non exempt d’erreurs, a fait ses preuves ; on peut répéter aujourd’hui ce que disaient au xviiie siècle les bénédictins continuateurs de Mabillon : son système est le vrai ; quiconque voudra se frayer des routes contraires à celles qu’il a tracées, ne peut manquer de s’égarer, quiconque voudra bâtir sur d’autres fondements, bâtira sur le sable. Des érudits éminents du siècle dernier ont rendu hommage à l’œuvre de Mabillon. Tels L. Delisle, Cabinet des manuscrits, 1874, t. II, p. 63 ; Léon Gautier, Quelques mots sur l’étude de la paléographie et de la diplomatique, Paris, 1864. (Celui-ci ne lui trouve qu’un seul défaut, celui d’être écrit en latin). Voir aussi E. Babelon : Une querelle scientifique entre jésuites et bénédictins, dans Le Contemporain, 1er fév. 1878.

Les recherches scientifiques de Mabillon vont l’obliger à sortir du monastère, mais son activité littéraire n’en sera pas ralentie. Déjà en 1680, avant la publication du Traité de diplomatique, il était allé en Champagne et en Lorraine ; en 1672, il avait parcouru la Flandre. En 1682, Colbert l’envoya en Bourgogne pour examiner quelques anciens titres ; Mabillon en rapporta des documents qui furent insérés dans les Vetera Analecta, et le récit des pérégrinations d’un érudit à la recherche de ce qui peut l’aider dans ses travaux. Ce dernier récit est l’Itinerarium burgundicum que dom Thuillier a édité dans les Œuvres posthumes, t. II, p. 2. Au tome IV des Vetera Analecta se trouve l’Iter germanicum, récit d’un voyage accompli en Allemagne et en Suisse, au cours de l’année 1683. Ce voyage fut marqué par la découverte, à l’abbaye de Luxeuil, d’un ancien lectionnaire du rite gallican, écrit en beaux caractères mérovingiens du viie siècle. Mabillon s’en servit pour composer le traité qui a pour titre : Liturgiæ gallicanæ libri III, in quibus veteris missæ quæ ante annos mille apud Gallos in usu erat forma ritusque eruuntur, accedit disquisitio de cursu gallicano…, in-4o, Paris, 1685 ; réimprimé en 1729 ; reproduit dans P. L., t. lxxii. C’est une étude d’ensemble considérable et vraiment définitive sur la liturgie gallicane.

En 1685, dom Mabillon, accompagné de dom Michel Germain partait pour l’Italie. Dix-huit mois après le retour, effectué en 1686, parut le Musæum italicum, seu Collectio veterum scriptorum ex bibliothecis italicis ; in primo tomo, præmittitur Iter italicum litterarium, in secundo Commentarius in ordinem romanum, 2 vol. in-4o, Paris, 1687 et 1689. L’Iter italicum est une description exacte du voyage avec des détails sur ce qui intéresse les lettrés. La pièce importante du t. i est un ancien sacramentaire gallican du viie siècle, trouvé à l’abbaye de Bobbio ; au t. ii se trouvent les Ordines romani, ou livres rituels de l’Église romaine avec commentaires. Entre temps, on signale deux mémoires de Mabillon touchant la préséance dans les États : Réponse aux chanoines réguliers de Bourgogne ; Réplique au second écrit des chanoines réguliers, dans Œuvres posthumes, t. ii, p. 96-269.

Plus grave fut la querelle engagée entre Mabillon et l’abbé de Rancé au sujet des Études monastiques. Il serait trop long de donner ici l’histoire de cette contestation que l’on trouve exposée au t. i des Œuvres posthumes. Disons seulement que Mabillon publia en 1691 le Traité des études monastiques dans lequel cet érudit dont la prose française a moins d’ampleur que la prose latine, exprime des idées élevées avec une simplicité naturelle. Sans attaquer de front la thèse de l’abbé de la Trappe, il justifiait la place donnée à l’étude dans les cloîtres bénédictins, il s’efforçait de prouver que la tradition tout entière donnait raison à ceux qui font entrer l’étude comme un des éléments propres à la vie religieuse et n’en détruit en rien la perfection. Il joignait à ses considérations une espèce de plan de bibliothèque religieuse d’une large simplicité, voulant que, pour se défendre, on connut les points faibles des adversaires. L’abbé de