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MARIE, SOUFFRANCES


hæc in sanguine cordis, hic in sanguine carnis, col 1727. Enseignement communément suivi par les théologiens depuis cette époque, comme nous l’avons constate en étudiant la coopération de Marie à notre rédemption.

4° Toutes ces souffrances si intenses, Marie les endura avec une telle constance qu’il n’y eut, ni dans son intelligence, ni dans sa volonté, aucun trouble ni aucune faiblesse.

Cette parfaite constance, qui était une conséquence de l’absolue maîtrise de la raison de Marie sur toutes ses puissances inférieures et sur tous ses sens, a été habituellement affirmée d’une manière explicite par les théologiens, après saint Ambroise :Stabat ante crucem mater et fugientibus viris stabat intrepida. De institutione virginis, vii, 49, P. L., t. xvi, col. 318. Expositio evangelii sec. Lucam, X, 132, P. L., t. xv, col. 1837. Nous citerons particulièrement quelques théologiens dont l’enseignement mérite une mention spéciale. Selon saint Bonaventure, il n’y a point de doute que l’âme courageuse et la raison très constante de Marie n’aient voulu offrir Jésus pour le salut du genre humain, afin que la mère fût en tout conforme à Dieu le Père. Marie a tellement compati à son divin Fils qu’elle aurait bien plus volontiers, si cela eût pu se faire, souffert elle-même tous les tourments. Vere igitur fuit fortis et pia, dulcis pariter et severa, sibi parca sed nobis, largissima. In Ium Sent., dist. XLVIII, dub. iv, Quaracchi, 1882, t. i, p. 861. Les paroles de saint Jean Damascène entendant les mots et tuam ipsius animam per transibit gladius des douleurs qui déchirèrent l’âme de Marie, De fide orthodoxa, iv, 14, P. G., t. xciv, col. 1161, sont interprétées par le docteur séraphique, en ce sens que l’immensité de la douleur se rapporte non à la partie rationnelle de l’âme mais à la partie sensible. L’âme de Marie ne fut jamais troublée, secundum quod perturbatio dicit deordinationem in parte rationali. In IIIum Sent., dist. III, q. iii, t. iii, p. 78. Dans sa Vitis mystica, le saint docteur, décrivant les douleurs que les souffrances de Marie durent causer à Notre-Seigneur, montre Marie en proie à la douleur, oculis lacrymarum torrente fluentibus, vultu contracto et voce querula, mais en même temps se tenant courageusement debout auprès de la croix, totis corporis viribus, ix, t. viii, p. 175.

Au xve siècle, Gerson décrit ainsi la constance de Marie au pied de la croix. Elle se tenait debout. Les sublimes vertus qui ornaient la partie supérieure de son âme, avaient leur rejaillissement jusqu’à la partie inférieure ou sensitive qu’elles réconfortaient, comme cela s’est vu souvent chez les martyrs. La vénérable face de Marie était couverte de larmes, mais le rayonnement de ses vertus y restait tel que les Juifs, éprouvant pour elle une bienveillante compassion, n’avaient aucune intention de la molester. Expositio in passionem Domini, Opera omnia, Anvers, 1706, t. iii, col. 1103. Saint Antonin de Florence, expliquant les paroles scripturaires Stabat juxta crucem ejus mater Jesu, dit que Marie se tenait debout, firma, voluntati divinæ conformans se… verecunda, modesta, lacrymis plena, doloribus immersa. Elle était tellement attachée à la volonté divine, et avide de procurer le salut du genre humain, que s’il ne se fût trouvé personne pour accomplir la crucifixion qui devait racheter le monde, elle eût elle-même mis Notre-Seigneur en croix. Car on ne doit point croire qu’elle fût inférieure en perfection et en obéissance à Abraham qui offrit son propre fils à Dieu en sacrifice. Stabat ergo fixa in Dei voluntate. Summa theologica, part. IV, tit. xv, c. xii, 1, t. iv, col. 1227.

Au commencement du xvie siècle. Cajétan résout, dans un opuscule spécial, la question qui lui avait été posée relativement au spasme que quelques-uns attribuaient a Marie, au moment de sa rencontre sur le chemin du Calvaire avec Jésus chargé de sa croix. Tout spasme, au sens propre de contraction maladive des nerfs, doit être rejeté. Au témoignage de saint Jean Chrysostome, Marie fut exempte de toute maladie. Selon le récit évangélique, elle se tenait debout près de la croix. Ainsi est écartée toute supposition d’un spasme survenu quelques instants auparavant. On doit aussi écarter toute idée de spasme, au sens courant de défaillance ou de syncope, privant temporairement Marie de l’usage de la raison et conséquemment d’une grande quantité de grâce très parfaite qu’elle pouvait acquérir en s’associant à la passion de son divin Fils. Il était plus agréable à Dieu, quod beata Virgo compateretur ei secundum rationem quam secundum partent sensitivam, quia illa pars est nobilior et proprie meritoria et per se grata. Très grande fut donc la douleur de Marie, et de telle manière que les sens étaient entièrement soumis au parfait contrôle de la raison. Ainsi est exclue toute supposition de spasme en quelque sens qu’on l’entende. De spasmo B. M. V., Opuscula omnia tribus tomis distinda, t. ii, Venise, 1588, p. 180 sq. Même enseignement et mêmes arguments chez Barthélémy de Médina († 1581), In IIIam S. Thomæ, q. xxvii, a. 4, Venise, 1590, p. 356 sq. Suarez reproduit en grande partie les arguments de Cajétan. Il ajoute cette importante considération que la parfaite constance de Marie au pied de la croix, était une conséquence de sa parfaite maîtrise sur toutes ses facultés et sur tous ses sens. En cours In III xiii S. Thomæ, t. ii, disp. IV, sect. iii, 6 ; disp. XLI, sect. ii, 9. On rencontre la même doctrine et les mêmes preuves au xviie siècle chez Jean de Carthagène. Homiliæ, t. XII, hom. i, t. ii, p. 20 sq. ; Novato, op. cit., t. i, p. 360 sq. ; Raynaud, op. cit., t. vu. p. 112 sq. ; Vega, op. cit., t. ii, p. 46 sq. : et au xviiie siècle chez Benoît XIV, De lestis B. M. V., c. iv. 5 sq., Opéra omnia, Prato, 1843, t. ix, p. 260 sq. : Sedlmayr, loc. cit., t. vii, col. 1259 sq. On remarquera particulièrement le blâme porté par Benoît XIV contre les peintres qui représentent Marie au pied de la croix ou après la mort de son divin Fils, comme opprimée par la douleur, et contre les prédicateurs qui s’inspirent de la même idée, p. 262. La parfaite constance de Marie au pied de la croix, louée par les théologiens du xixe siècle. Lépicier, op. cit., p. 377 sq.. a été particulièrement affirmée par Léon XIII dans l’encyclique Magnæ Dei Matris du 1 er septembre 1892. § Ne vero ad exempta, et dans l’encyclique Jucundu semper du 8 septembre 1894, § Neque aliter loquuntur doloris mysteria. Plus expressive encore est l’affirmation de Pie X dans l’encyclique Ad diem illum du 2 février 1904. Il loue l’intime association de vie et de souffrance de la mère et de son divin Fils, ou leur intime communauté de douleurs et d’affections. Il Joue la constance de Marie, au pied de la croix, se réjouissant de ce que son divin Fils s’offrait pour le salut du genre humain, et tellement unie à lui que, s’il avait été possible, elle eût bien plus volontiers enduré tous ses tourments.

5° Les souffrances si intenses que Marie ressentit au pied de la croix, elles les ressentit, par avance, dans son cœur, dès qu’elle eut quelque connaissance surnaturelle du mystère de l’incarnation et du rôle qu’elle devait remplir dans l’accomplissement de notre rédemption. Quant à l’intensité des souffrances ainsi prévues, on doit se garder de l’exagération de quelques auteurs, comme Guerra. affirmant que ces souffrance-, furent constamment ressenties par Marie, à chaque instant de sa vie, d’une manière aussi intense qu’au moment même de la consommation suprême du Calvaire. Majestas gratiarum ac virtutiim omnium Deipara’ V. M.. Séville. 1639. t. ii, p. 160 Assurément