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MAGIE, DÉFINITION

i :

autour de lui sur le sol une circonférence enchantée. Le cercle ainsi limité jouit vis-à-vis des lois ordinaires de tous les privilèges de l’exlralcrrilorialité, ou bien il emprisonne une force surhumaine, El ce n’est encore que la première merveille opérée par la baguette : cette baguette contient virtuellement tous les prodiges, bienfaisants ou malfaisants, baguette de fée ou baguette de sorcier Voilà à peu près les représentations qu'éveillent dans l'âme populaire ces mots : magie, mage, magicien.

Mais à côté de cette description extérieure, il faut tâcher de donner de la magie une définition un peu plus scientifique. Dans cette I rc ' partie, il s’agit seulement d’une définition nominale ; il s’agit, sans préjuger la réalite' ni la nature intime des phénomènes. d’analyser l’idée de magie. Pour la clarté, nous donnerons d’abord la définition précise, élaborée par la théologie ; puis, nous tâcherons de nous représenter l’idée que pouvaient, que peuvent encore se faire de la magie les païens, depuis les plus grossiers jusqu’aux plus raffinés, et en général tous ceux qui n’ont pas des notions très fermes sur Dieu.

Pour la théologie catholique, la magie est une espèce de superstition. La superstition — saint Thomas en traite, Sum. theol., II a -IIæ, q. xcn — est le péché par excès contre la vertu de religion. « La religion, dit la Somme, loc. cit., a. 1, est une vertu morale ; or, toute vertu morale se tient dans un juste milieu entre deux excès… La superstition est un vice opposé à la religion par excès, non qu’elle fasse pour le culte divin plus que la religion véritable, mais parce qu’elle rend un culte divin à qui ce culte n’est pas dû, ou qu’elle le rend à Dieu, mais d’une manière qui ne convient pas. » De là les deux grandes divisions de la superstition. Elle peut consister dans un culte rendu au vrai Dieu, mais d’une façon qui lui déplaît, parce que les manifestations en sont vaines ou même injurieuses à Dieu. Par exemple, attacher à telle prière, répétée 3, 7 ou 9 fois, une efficacité que Dieu n’y a pas mise ; ne vouloir assister à la messe que dans telle église, à telle heure déterminée, comme si ces circonstances avaient leur efficacité propre, ce serait superstition vaine ; observer les rites judaïques serait actuellement superstition injurieuse à Dieu. Cf. q. xcm.

Il y a aussi superstition et toujours, dans un culte religieux rendu à un autre qu’au vrai Dieu et sans considération pour Dieu, et ici, de nouveau, plusieurs espèces sont à distinguer. L’homme peut se proposer de rendre à une créature, par exemple, au démon, le culte dû à Dieu seul, à l'Être Suprême, en attribuant ou non au démon les perfections divines, et nous avons l’idolâtrie parfaite ou imparfaite ; ou bien l’homme se propose seulement d’obtenir par le secours du démon un effet qui dépasse ses propres forces, et nous avons la divination, la vaine observance, la magie. La divination révèle des choses futures ou cachées, humainement inconnaissables. Entre la vaine observance et la magie, pour beaucoup de théologiens, il y a identité ou tout au plus simple différence de degré. Cf. Suarez, De religione, tr. III, t. II, c. vii.n. 1. On dit souvent : Il y a vaine observance à attendre un phénomène de moyens naturellement disproportionnés ; si le phénomène est très merveilleux, la vaine observance prend le nom de magie. Ainsi après Busembaum et saint Ligori, t. III, n. 14 (éd. Gaudé, t. i, p. 378), Lehmkuhl, t. i, n. 490, Noldin, t. ii, n. 148 b, 159, 163, Salsmans, t. i, n. 267.

On peut regretter que la doctrine ne distingue pas plus franchement entre vaine observance et magie. Avec Gury-Bulot, 2e édit., t. i, n. 283, 284, on voudrait dire que la magie consiste à produire des effets extraordinaires ou complètement merveilleux, tandis que la vaine observance consiste à ordonner sa vie, à

régler ses actions, d’après des événements fortuits, à attendre un bonheur ou un malheur a la suite de tel accident ou incident. Ainsi faisaient les Romains avec leurs jours fastes et néfastes, ou bien quand ils consultaient le vol des oiseaux ou les entrailles des victimes avant d’engager la bataille, d’entreprendre un voyage, de conclure un contrat ; ainsi font ceux qui se croient perdus si l’on s’est trouvé treize â table, si la salière a été renversée, si l’on a allumé trois cigarettes avec la même allumette.

On dira : < Cet événement est considéré comme un signe ou comme une couse de ce qui va se passer ou de ce qui se passerait ; dans le 1 er cas, il y a divination ; dans le 2e, il y a magie. » C’est vrai logiquement peutêtre. Psychologiquement, il y aurait avantage et vérité â retenir les trois espèces, divination, magie, raine observance ; car dans beaucoup de cas, le phénomène, objet de vaine observance, n’est considéré vraiment ni comme le signe, ni comme la cause de l'événement attendu, mais par faiblesse d’esprit, par routine, par instinct, on redoute quelque suite fâcheuse : « Cela porte malheur », dit-on, sans mêiney croire bien fort.

Pratiquement, nous éviterons l’emploi de l’expression vaine observance, et nous entendrons par magie l’art de produire des phénomènes extraordinaires ou merveilleux ; ou encore, l’art de produire des effets par des causes disproportionnées. Suarez, loc. cil. Les théologiens précisent ordinairement : « par le secours des démons ». Ainsi Gousset, t. i. n. 420 ; Ferreres, t. i, n. 359 ; Bulot, 1. 1, n. 289 ; Salsmans, 1. 1, n. 267 ; Pesch. Pradectiones dogm., t. ix, p. 427, etc. Cette caractéristique sera examinée dans la IIe partie. Ici, pour garder une notion suffisamment commune, il est préférable de nous contenter d’une formule négative et de dire « avec un secours différent de celui de Dieu, non divino sed alio auxilio ». Lehmkuhl, t. i, n. 490. La notion commune, celle que recherchent les ethnologues, les historiens des religions, celle que se font, que peuvent se faire les païens même éclairés, et, en général, ceux qui n’ont pas la foi, reviendra à peu près au même. Cette définition un peu longue serait sans doute généralement acceptée : « La magie est l’art de produire ou de provoquer des phénomènes sensibles extraordinaires, merveilleux, par des moyens naturellement disproportionnés selon toute apparence, mais capables de déclencher des forces mystérieuses, surhumaines et normalement hors des atteintes de l’homme. » On peut voir dans Recherches de science rclig., t. iii, p. 426, et Anlhropos, t. viii, p. 885, des essais de définition ou de description extrêmement fouillés et complexes. Il nous suffira de quelques remarques sur la définition nominale proposée.

Cette définition ne s’applique pas à ce que l’on appelle la magie blanche, la prestidigitation, laquelle n’a aucune raison de comparaître dans un dictionnaire de théologie. Les théologiens se contentent de lui recommander, en passant, de ne pas virer du blanc au noir, et, bien entendu, de ne pas couvrir de sa blancheur des escroqueries ou autres passe-temps hétérodoxes. Cf. Perraris, Superstilio, 10 ; Gousset, t. i, n. 420. Le prestidigitateur fait des choses en apparence merveilleuses ; mais les spectateurs, j’entends les grandes personnes et sérieuses, admirent la dextérité, sans songer même à une intervention préternaturelle. Le prestidigitateur est au magicien ce que l’illusionniste est au médium spirite.

Donc, la magie véritable, ou, pour lui donner son épithete de nature, la magie noire — ainsi appelée parce qu’elle est le plus souvent malfaisante et est rapportée au démon ou à des puissances ténébreuses — est un art, c’est-à-dire un ensemble de procédés, de formules, de recettes ; elle est l’art de produire ou de