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MARIE, LA MÈRE DES HOMMES


ceptfon, son II' sermon pour la fête de la Visitation et saini Alphonse « le Liguori dans son sermon sur la Visitation, Gloires île Marie, part. ii, sermon v.

b) De la même manière, le premier miracle public « le

Jésus accompli à la prière de -Marie, Joa., 11, I sq., est présenté par Bossuet, après beaucoup d’autres auteurs ecclésiastiques, comme une marque que.Marie est associée à l’cem re de la justification des âmes : « Qui n’a il mirera, dit-il dans le sermon déjà cité sur la Dévotion à la sainte Vierge, que Jésus n’ait voulu faire son premier miracle qu'à la prière de la sainte Vierge ? ce miracle en cela différent des autres : miracle (jour une chose non nécessaire. Quelle grande nécessité qu’il y eût du vin dans ce banquet ?.Marie le désire, c’est assez. Qui ne sera étonné de voir qu’elle n’intervient que dans celui-ci, qui est suivi aussitôt d’une image si expresse de la justification des pécheurs ? cela s’est-il fait par une rencontre fortuite ? Ou plutôt ne voyezvous pas que le Saint-Esprit a eu dessein de nous faire entendre ce que remarque saint Augustin, en interprétant ce mystère « que la Vierge incomparable, étant mère de notre chef selon la chair, a dû être aussi, selon l’esprit, la mère de tous ses membres, en coopérant par sa charité à la naissance spirituelle des enfants de Dieu. »

c) Plus fréquemment, pour exprimer la maternité spirituelle de Marie, déjà connue par la tradition catholique et par le texte de saint Luc, on s’est servi, depuis le xii c siècle jusqu'à l'époque actuelle, du texte : Millier, ecce filius tuus, Fili eece mater tua, Joa., xrx, 26 sq. ; comme le montrent les nombreuses citations faites par Legnani, op. cit., p. 7-20 ; Terrien, op. cit., 1. 1, p. 271 sq. ; A. Largent, La maternité adoptive de la très sainte Vierge, Paris, 1909, p. 39 sq. ; J. Bittrémieux, op. cit., p. 189-193 ; comme l’alteste aussi l’usage qu’en a fait Léon XIII dans l’encyclique Octobri mense du 22 septembre 1891, § Ubi vero per myslerium crucis, et dans l’encyclique Adjutriccm populi du 5 septembre 1895, § Eximise in nos caritalis Christi. Sous ces paroles et le plus souvent sans prétendre en donner une véritable exégèse, on a voulu exprimer la sublime réalité qui s’accomplissait alors sur le Calvaire : Marie devenant la mère de tous les chrétiens en les enfantant par ses souffrances unies, pour le salut du monde, à celles de son divin Fils.

Il y a donc divergence de points de vue plutôt qu’opposition d’idées entre cet emploi scripturaire et l’interprétation très littérale de Knabenbauer, Commentarius in Evangelium secundum Joannem, Paris, 1898, p. 546 sq., et du P. Lagrange, Évangile selon saint Jean, Paris, 1925, p. 494 sq., entendant les paroles de Notre-Seigneur du soin temporel de Marie confié à son disciple bien-aimé. Notons que d’autres exégètes entendent littéralement les paroles scripturaires de la maternité spirituelle de Marie s'étendant à Jean et au même titre à tout le corps mystique ou à tous les fidèles, Simon-Prado, Prælectiones biblicæ, Novum Testame.itum, 3e édit., Turin, 1926, t. i, p. 598 sq.

3e conclusion. — La maternité spirituelle de Marie étant une conséquence de sa médiation universelle a été, comme cette médiation elle-même, constamment affirmée par la tradition catholique.

Il est vrai que, jusqu'à la fin du ive siècle, l’expression, Marie mère des chrétiens ou des fidèles ne se rencontre point, d’une manière explicite, dans la tradition chrétienne. Mais elle est virtuellement contenue dans l’antithèse souvent exprimée entre Eve qui par sa désobéissance a été pour toute l’humanité, une cause de mort et Marie cause de salut pour toute l’humanité, par son obéissance à la parole de l’ange. N’est ce pas affirmer que Marie, d’où la vie est provenue pour toute l’humanité régénérée est pour la vie

spirituelle, la mère des vivants ou la mère des chrétiens, comme, pour la vie corporelle, Eve a été la mère de tous les vivants ?

A la fin du iv siècle et dans la première moitié du v siècle, l’expression mère des vivants ou n de tous les membres dont Jésus-Christ est le chef, se rencontre, chez saint Épiphane, Hseres., i.xxvin, ]*, /'. G., t. xi. ii, col. 728 ; S. Augustin, De sancta virginitate, vi, 6, P. J.., t. xl, col. 399 ; et S. Pierre Chrysologue, Serin., cxi., 1'. L., t. lii, col. 576,

Depuis cette époque, l’expression se retrouve a fréquemment chez les auteurs ecclésiastiques et dans la liturgie de l'Église, sans que nous ayons besoin d’en rapporter ici tous les détails. On notera toutefois que, depuis le v siècle jusqu’au xvr sièi et même encore plus tard, les expressions signifiant immédiatement la double médiation universelle de Marie, sont beaucoup plus fréquentes que celles qui signifient directement la maternité humaine. Aussi ce que l’on doit plus particulièrement considéier pendant cette période, c’est Je concept de la double médiation universelle de Marie : très explicite depuis le viiie siècle en Orient avec saint Germain de Constantinople, très explicite aussi en Occident depuis le xie et le xii c siècle, avec saint Anselme et saint Bernard. Depuis le xvie siècle jusqu'à l'époque actuelle, en même temps que l’expression mère des fidèles ou des chrétiens est plus universellement employée, surtout dans les documents ecclésiastiques, le concept de la médiation universelle de Marie est, comme on l’a montré, beaucoup plus explicitement formulé par les théologiens et aussi par le magistère ordinaire des souverains pontifes.

4e conclusion — L’universalité de la maternité humaine de Marie doit s’entendre dans le même sens que l’universalité de l’influence de la grâce de JésusChrist relativement à son corps mystique. C’est une conséquence du plan divin, qui a associé Marie au rôle de Notre-Seigneur en l’instituant médiatrice pour l’acquisition et pour l’impétration de toutes les grâces provenant de la rédemption.

Or, suivant saint Thomas, Sum. iheol., IIP, q. viii, a. 3, il y a trois catégories de membres qui sont unis à Jésus in aclu : les saints du ciel qui lui sont unis per fruitionem patriæ, les fidèles vivant sur la terre qui lui sont unis per carilatem viæ, et ceux qui, de quelque manière, sont ses membres par la foi. Marie est donc in actu mère de tous les saints qui jouissent de la gloire du ciel ; mère de tous les fidèles qui sont unis à Jésus-Christ par la grâce sanctifiante. De quelque manière aussi, elle est mère de ceux qui appartiennent imparfaitement à Jésus-Christ, seulement par la foi.

Comme il y a des degrés de perfection dans la manière dont on est uni à Jésus-Christ par la possession de la grâce sanctifiante, ou par la fruition de la gloire du ciel, il y a aussi des degrés de perfection dans la manière dont les saints du ciel et les justes de la terre ont reçu ou reçoivent les dons célestes par l’intermédiaire de Marie.

Quelles que soient les causes immédiates de cette diversité dans les degrés de perfection, il est bien assuré que la cause suprêma n’est autre que l’amour effectif de Dieu, qui, selon le raisonnement de saint Thomas, veut plus de bien à certaines âmes qu'à d’autres : Volunlas Dei est causa bonitatis in rébus. Et sic ex hoc sunt aliqua meliora, quod Deus eis majus bonum vult. Sum. theol., , I a, q. xx, a. 4. Il y a aussi, selon saint Thomas, deux catégories de membres de Jésus-Christ in potentia : ceux qui lui sont unis de puissance seulement, mais d’une puissance qui doit être réduite en acte secundum divinam preedestinationem ; et ceux qui sont unis à Jésus-Christ, d’une puissance qui ne sera jamais réduite à l’acte, comme