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MARIE, MATERNITÉ DIVINE : CONCLUSIONS THKOLOGIQUES

peut être, elle-même, l’objet d’aucun mérite strict.

c) On doit admettre, avec saint Thomas et l’enseignement théologique constant, que Marie a mérité illum puritatis et sanctitatis gradum ut congrue posset esse mater Dei, Sum. theol., III a, q. ii, a. 11, ad 3um : en ce sens que Dieu ayant décidé l’incarnation, il était souverainement convenable qu’elle se fît par l’intermédiaire d’une créature aussi parfaite que Marie. Marie ne mérita donc point l’incarnation, mais seulement que l’incarnation s’accomplît par elle ; et ce mérite fut un mérite de simple convenance, puisque tout mérite strict doit être exclu relativement : 'i l’incarnation, de quelque manière qu’on la considère. B. Virgo non meruit incarnationem, sed pr-rsupposita incarnatione meruit quod per eam peret, non quidem merito condigni sed merito r.ongrui, in quantum decebat quod mater Dei esset purissima et perjectissima virgo. S. Thomas, In 7/7 ura Sent., dist. IV, q. iii, a. 1, ad Gum. C’est en ce sens que l’on doit entendre l’enseignement habituel des théologiens, que Marie a mérité de congruo la maternité divine. C’est aussi le sens des paroles de la liturgie de l'Église : quem meruisti porlare ; utdignum Filii tui habitaculum effiri mererctur, et autres semblables.

3' conclusion. — On doit admettre comme une conséquence probable de la maternité divine, que Marie, comme mère de Dieu, a possédé tous les privilèges qui sont possibles dans une créature et qui sont en harmonie avec sa double fonction de mère de Dieu et de médiatrice universelle, telle qu’il a plu à Dieu de la réaliser dans l’ordre actuel

a) Cette conclusion, considérée du moins dans sa substance et indépendamment de certaines applications particulières, a été, selon les documents précédemment indiqués, constamment affirmée par les théologiens, depuis l'époque de saint Anselme Les divergences des théologiens relativement à certaines applications particulières dont la connexion avec le principe général était, à une certaine époque, ou est peut être encore aujourd’hui insuffisamment manifestée, n’empêchent point l’accord moralement unanime sur le principe lui-même et sur beaucoup d’applications particulières ; ce qui suffit pour la vérité de notre conclusion.

b) Ce principe théologique est affirmé, comme doctrine du magistère ordinaire, au commencement de la bulle Inefjabilis Deus de Pie IX du 8 décembre 1854. Pie IX, en s’appropriant la pensée de saint Anselme, enseigne que Dieu, aimant Marie plus que toutes les autres créatures, la combla, bien plus que tous les esprits angéliques et que tous les saints, de l’abondance de toutes les grâces célestes. Ainsi toujours exempte de toute tache du péché, toujours toute belle et toute parfaite, elle posséda une telle plénitude d’innocence et de sainteté, qu’au-dessous de Dieu on ne peut en concevoir une plus grande, et que nulle autre intelligence que celle de Dieu ne peut la concevoir pleinement.

c) L’enseignement de Pie IX résume, en même temps, la raison théologique sur laquelle s’est constamment appuyée la tradition théologique : l’amour de très spéciale prédilection de Dieu pour Marie, de préférence à toutes les autres créatures. Amour tel, qu’en elle seule Dieu mit toutes ses complaisances, et qu’il lui donna ce qu’il a de plus cher, son propre Fils. Et comme, selon l’enseignement de saint Thomas, Sum. theol., I a, q. xx, a. 2, le bien que Dieu produit dans les créatures est en proportion de l’amour qu’il a pour elles, c’est donc une conclusion certaine, que Marie, très spécialement aimée par Dieu au-dessus de toutes les autres créatures, a été plus qu’elles toutes, même prises collectivement, l’objet des faveurs divines.

d) Contrairement à l’optimisme philosophique ancien et moderne, c’est une vérité constante, qu’une créature ne peut jamais être tellement parfaite qu’elle ne puisse recevoir de la toute-puissance divine, une perfection plus grande, ou que Dieu ne puisse faire une créature plus parfaite. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. xxv, a. 5 et a. 6, ad 4°™ ; a. 2, ad 2 UI " ; De veritate, q. xxix, a. 3, ad 3um, De potentia, q. i, a. 2, ad 4um. Si éminentes que soient les grâces et les faveurs divines conférées à Marie, elles ne peuvent donc jamais avoir une perfection telle que la toute-puissance divine ne puisse en réaliser une plus grande. Ce que dit saint Thomas de la grâce très parfaite possédée par la sainte humanité de Notre-Seigneur, Sum. theol., III a, q. vii, a. 12, ad 2um, a. 9, ad 3um ; q. x, a. 4, ad 3um ; De veritate, q. xxix, a. 3, ad 3um, doit, à plus forte raison, être appliqué aux grâces possédées par la très sainte Vierge. Tout ce que l’on doit affirmer, c’est donc que les grâces et perfections communiqui « s par Dieu à Marie étaient, au jugement de son infinie sagesse, ce qui convenait le mieux à la dignité de mère de Dieu et de médiatrice universelle ; telle qu’il a voulu la réaliser en Marie dans le plan actuel de sa Providence.

e) Quant à l’application de notre conclusion ainsi expliquée et prouvée, elle doit être constamment appuyée, selon ce qui a été dit à l’art. Dogmatique. t. iv, col. 1523 sq., sur une analyse de la double fonction de mère de Dieu et de médiatrice universelle providentiellement assignée à Marie, et sur une comparaison très exacte de chaque privilège avec ces deux éminentes dignités. Dans cette application, on doit d’ailleurs s’aider du travail théologique déjà accompli dans les siècles précédents, ainsi que de toutes les indications ou directions fournies par le magistère de l'Église. — Selon ces critères, quand un privilège convient manifestement à la maternité divine et à la médiation universelle de Marie, il doit être admis comme une conséquence de ces deux privilèges fondamentaux. Dans le cas contraire, le privilège doit être rejeté comme n’entrant pas dans le plan providentiel actuel.

Quelques exemples rendront ces observations plus concrètes. — On doit rejeter pour Marie, comme ne s’accordant point avec le plan actuel de la Providence, le privilège de l’exemption de toute souffrance et le privilège de l’immortalité du corps. Comme mère du Rédempteur et médiatrice, Marie devait coopérer à notre rédemption par beaucoup de souffrances et, pour ressembler à son divin Fils, elle devait, comme lui, passer par la mort.

Vraisemblablement aussi, comme nous le montrerons plus loin, il n’y a pas lieu d’admettre, en Marie, la possession infuse, universelle et parfaite de toutes les connaissances naturelles ; en dehors de celles qui lui étaient nécessaires ou très convenables pour une pleine intelligence des vérités surnaturelles tant spéculatives que pratiques. Une telle science n’avait guère de raison d'être en Marie. Ce ne pouvait être pour la rendre capable d’instruire l’humanité dans ces connaissances : Marie n’avait point reçu cette mission. Ce ne pouvait être non plus pour rehausser sa connaissance de Dieu ou pour perfectionner sa vie spirituelle et mystique : nous supposons qu’il s’agit de connaissances naturelles n’ayant, pour ces nobles fins, aucune utilité effective.

conclusion.

L’hypothèse d’une coopération

instrumentale de Marie à la production de l’union hypostatique, de quelque manière qu’on l’explique, doit être rejetée comme portant quelque atteinte au vrai concept théologique de l’union hypostatique.

C’est la conclusion que l’on doit déduire des arguments précédemment exposés. D’ailleurs, comme nous