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MARIE, MATERNITÉ DIVINE : CONCLUSIONS THÉOLOGIQ1 ES

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consiste en ce que la nature humaine, assumée par le Verbe, est régie par sa divine subsistence, sans l’intermédiaire d’aucun mode substantiel, quel qu’il soil ; sans que cette nature humaine possède une existence humaine. Dès lors, toute coopération, même instrumentale, de Marie, réalisable seulement pour quelque chose de créé et de fini, est absolument impossible, comme la coopération, même instrumentale, d’une créature à l’acte divin de la création est déclarée impossible. — D’ailleurs pour qu’une causalité instrumentale fût possible de la part de Marie, on devrait admettre un sujet recevant cette causalité. Ce sujet ne peut être le Verbe divin qui, acte pur infiniment parfait, est incapable de recevoir aucune modification. Ce sujet ne peut être non plus la nature humaine de Jésus, de quelque manière qu’on la considère. Pour cela, elle aurait dû exister indépendamment du Verbe avant l’union, ou être intrinsèquement modifiée dans l’union elle-même par quelque mode substantiel, à la production duquel Marie aurait instrumentalement coopéré. Hypothèses inadmissibles. Même un instant d’existence indépendante avant l’union, la nature humaine de Jésus n’a pu l’avoir ; sinon l’union ne se serait point faite in persona, comme l’exige le dogme catholique. Quant au mode substantiel que l’on propose, il détruirait l’économie intime de l’incarnation et la notion vraie de la personne unique du Verbe incarné. — Cette solide argumentation paraît avoir rallié au xviii » et au xix° siècle le suffrage commun des théologiens.

5. La maternité divine considérée comme forma ex se justificans. —

Au xviie siècle, Ripalda († 1648) soutint que la maternité divine, considérée en elle-même et sans la grâce sanctifiante qui doit l’accompagner, suffisait à elle seule pour écarter tout péché, et pour rendre Marie digne de la vie éternelle, et capable d’acquérir des mérites surnaturels pour elle-même et pour le reste de l’humanité. De ente supernaturali, t. IV, disp.LXXIX, Paris, 1870, t.n, p. 59 sq. Selon Ripalda, cette affirmation théologique exige que l’on admette préalablement que la grâce sanctifiante n’est point une participation physique à la nature divine, et que l’incompatibilité entre la grâce sanctifiante et le péché ne provient point de la nature intrinsèque de la grâce sanctifiante, mais de la libre institution de Dieu, qui accepte bénévolement la grâce sanctifiante comme écartant le péché et donnant droit à la récompense éternelle, p. 50. L’argumentation de Ripalda tient tout entière en ce raisonnement théologique longuement exposé et répété sous diverses formes : la maternité divine, considérée en elle-même, surpassant éminemment toutes les dignités créées, et dès lors aussi la grâce sanctifiante, doit posséder, d’une manière bien supérieure, toutes les propriétés de la grâce sanctifiante. Elle doit donc, bien plus parfaitement que la grâce sanctifiante, être la cause formelle de la sainteté en écartant le péché, en rendant digne de la récompense éternelle et en rendant apte à acquérir des mérites surnaturels, p. 67 sq. C’est en ce sens que l’on doit interpréter la tradition catholique affirmant l’absolue suréminence de la maternité divine, p. 65 sq. On remarquera que l’auteur revendique seulement pour son opinion une sérieuse probabilité, p. 50, 65, 96, sans préjudice d’autres explications qui peuvent aussi avoir leur probabilité.

Cette opinion nouvelle rencontra quelques approbateurs, parmi lesquels, au xviie siècle, Saavedra, op. cit., p. 252, et Vega, op. cit., t. ii, p. 326 sq., au xviiie siècle, Sedlmayr, op. cit., dans la Summa aurea, t. vii, p. 1314 sq. Mais les contradicteurs furent beaucoup plus nombreux ; parmi eux se distinguèrent surtout Georges de Rhodes et Théophile Raynaud. Selon Raynaud, la nature de la grâce sanctifiante, telle qu’elle est supposée par l’opinion nouvelle, ne peut être admise. Ce n’est point par la seule acceptation divine, mais par sa propre nature intime que la grâce sanctifiante écarte le pèche, rend digne de la récompense éternelle et capable d’accomplir des actes méritant cette récompense. Les arguments de Ripalda prouvent uniquement la sublime transcendance de la maternité divine ; ils ne prouvent d’aucune façon qu’el|e possède formellement toutes les qualités inhérentes à la grâce sanctifiante. D’ailleurs, si l’on admettait cette thèse, on devrait conclure, à rencontre de la doctrine théologique commune, que Marie est physiquement et intrinsèquement impeccable : privilège qui appartient de manière exclusive à la seule humanité de Notre-Seigneur. Diptycha mariana, Opéra, t. vii, p. 202 sq. Voir aussi Contenson, Theologia mentis et cordis, t. X, diss. VI, c. ii, spéculât. 2, t. iii, p. 284 sq. Aussi presque tous les théologiens, au xviii* et au xixe siècle, sans tenir compte de l’opinion émise par Ripalda, continuent à affirmer, d’une manière au moins incidente, l’enseignement théologique traditionnel. P. Hugon, Tractatus de B. Virgine Deipara, Tractatus dogmatici, Paris, 1920, t. iii, p. 427 sq.

6. Permanence constante dans le corps de Jésus-Christ sur la terre, dans la sainte eucharistie et dans la gloire du ciel, de quelque partie de la substance corporelle reçue de Marie. —

Vers la fin du xvi c siècle, Suarez admit comme une faveur providentielle toute spéciale, très possible et probable, que quelque partie, du moins, de la substance corporelle que Jésus avait immédiatement reçue de Marie, ne fut jamais entièrement abandonnée par lui, ni transformée par aucune cause naturelle, et qu’elle garda toujours son identité première, eamdem omnino fuisse semper conservalam Verbo Dei unitam. In 7/7 am S. Thomas, t. ii, disp. I, sect. ii, n. 2. La même opinion fut soutenue par Kovato relativement au corps de Jésus-Christ pendant sa vie terrestre, op. cit., t. ii, p. 292 ; par Vega pour le corps de Jésus-Christ dans la sainte eucharistie et au ciel, op. cit., t. ii, p. 222 sq. ; par G. de Rhodes pour le corps glorieux de Jésus au ciel, op. cit., t. ii, p. 119.

Contre cette opinion combattirent résolument, au xvii 4 siècle, Théophile Raynaud, au xviiie, Benoît XIV. Suivant Raynaud, si l’on tient compte de la manière dont la conception virginale s’est accomplie, il n’est point exact de dire que la chair même de Marie est formellement et immédiatement devenue chair du Verbe incarné ; la proposition est vraie non formaliter sed causaliter. I ! n’est point vrai non plus que la substance corporelle puisse garder une identité constante, en dehors d’un privilège spécial que l’on ne prouve point, et qui devrait empêcher l’action incessante des agents naturels de détérioration et d’assimilation nouvelle. Au jugement de Raynaud, il est hérétique de dire, en parlant de la sainte eucharistie, que le corps de Jésus est le corps de Marie ; car les deux corps appartiennent à des personnes distinctes. D’ailleurs, l’honneur rendu est différent : au corps de Marie est dû seulement un culte de dulie, tandis que le corps de Jésus est adoré d’un culte de latrie. Cependant nous recevons, dans la sainte eucharistie, le corps de Jésus qui est né de la vierge Marie, Diptycha mariana, Opéra, t. vii, p. 65 sq. — Benoît XIV mentionne la condamnation portée peu de temps auparavant par la S. C. des Rites contre la doctrine de Zéphyrin de Someire, soutenant dans son Liber de cultu erga Deiparam in sacramento allaris, que quelque partie de la substance corporelle, jadis possédée par Marie, est identiquement conservée dans le corps eucharistique de Notre-Seigneur. Cette doctrine fut jugée erronea, periculosa et scandalosa, et le culte que l’on voulait, en vertu de cette doctrine, rendre à la très sainte Vierge dans l’eucharistie fut réprouvé. De