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    1. MARIAGE##


MARIAGE, litiLTIUNE MODERNE, LE CONTRAT

de la thèse « Institutionnelle est dans cette observation que i ce n’est pas de la convention, mais de la loi que dérivent les engagements et le lien formés dans le mariage : ce qui doit bien suffire, ce semble, pour faire voir que le mariage n’est pas rien qu’un contrat et

que même, principalement, il ne lient pas du contrai. "

ibiii., p..'{'il. L'état des personnes n’esl point réglé par des contrats. La forme même du mariage, qui

pourrait induire en erreur n’esl pas celle des vrais contrats : le lien se noue par autorité publique - au nom de la loi » el par le ministère de l’officier public, …. l’institution du mariage n’a été que l’union naturelle disciplinée et consacrée dans l'élut social Comme union légitime, mais consacrée et disciplinée par voie d’autorité, mm par voie de contrat. » Ibid., p. 331. Historiquement, c’est la société qui a organisé le mariage (empêchements, solennités, etc. » et non point la libre volonté des individus. L'état et le lien conjugaux doivent être, ont été, en fait, placés hors de l’atteinte des conventions.

Depuis un quart de siècle, nombreux sont les ouvrages où la nouvelle doctrine a été soutenue. R. Japiot, Des nullités en matière d’actes juridiques, Paris, 1909, p. 255 sq., l’adopte avec quelques réserves. Le rôle de l'État a été mis en lumière par Gounot, Le principe de l’autonomie de la volonté" en droit privé, thèse, Paris, 1912. « La destination naturelle du mariage, fait observer cet auteur, n’est pas de créer entre deux êtres des obligations personnelles se servant mutuellement de cause, d’engendrer une situation contractuelle dont le maintien serait subordonné à l’exécution des engagements réciproques des contractants, mais de donner naissance à une famille nouvelle, d’assurer la procréation et l'éducation des enfants, de sauvegarder dans le bon ordre la perpétuité de la grande famille humaine. » Op. cit., p. 259. En conséquence, l'État organise le mariage, les particuliers ont seulement la faculté d’adhérer à cette organisation : une fois leur adhésion donnée, leur volonté est désormais impuissante et les effets de l’institution se produisent automatiquement. Que le législateur modifie le statut de la famille, sa décision s'étend même aux mariages antérieurs à la nouvelle loi : ce qui ne se comprendrait pas dans un contrat. Soustraire le mariage au caprice des volontés individuelles, soumettre ces volontés au fins de l’institution, tel est l’intérêt social : « La famille née du mariage constitue un centre organisé et hiérarchisé d’intérêts, de pouvoirs et de fonctions, un organisme naturel, dont les individus sont les membres vivants, non les maîtres souverains et qui, pour devoir son origine à une manifestation de volontés individuelles, n’en constitue pas moins, une fois créé, une réalité juridique autonome et indépendante, ayant sa raison d'être propre et faite pour durer autant que l’exige cette raison d'être. » Op. cit., p. 262. Dans les articles que nous avons signalés, J. Ronnecase montre avec finesse ce qu’il faut entendre par une institution juridique et comment le mariage répond à la définition. Art. cit.. Revue générale de droit…, 1922, p. 50 sq. Le n’est pas sans raison, on le voit, que H. Morin, dans La révolte des faits contre le Code, Paris, 1920, p. vi, mentionne l’incurie des codificateurs qui ont considéré le mariage « comme un simple contrat, abstraction faite de sa fonction qui est de perpétuer la race. — « Le mariage n’est pas et ne peut pas être un contrat », écrit R. Vanhems, Le mariage civil, Paris, 190 1, p. 247, « il est l’union naturelle d’un homme et d’une femme, établie volontairement entre eux et sanctionnée par la loi. » Voir encore Hauriou, Principes de droit public, 2' éd., p. 203.

En Allemagne, la négation de l’idée de contrat fut. nous semble-t-il, moins systématique et plus désin téressée. On la trouverait incidemment exprimée, au cours d’analyses toutes dogmatiques. A quoi bon celle notion de contrat ? » se demande Moy, Von der l-./ir… p. 1 8. Les contrats sont le résultat d’un accord. comment pourraient-ils en être le fondement n’esl point parce que nous avons conclu un contrat que nous sommes d’accord, mais parce que iii, us sommes d’accord, nous avons conclu un contrat. Lingg. Die Civilehe, invoque l’histoire, qui témoigne contre la reconnai isance d’un contrat de mariage dans L’ancien droit : cf. Hartmann, op. cit.. 1871. p. 58 sq. D’assez nombreux canonistes allemands écartent l’idée de contrat, et notamment Scherer, Schulte, Læmmer.

Parmi les civilistes modernes, plusieurs défendent la notion de contrat, notamment Planiol et Capitant dans leurs Traités de droit civil. - La seule conception qui corresponde a la réalité des choses est une conception mixte : le mariage est un acte complexe, à la lois contrat et institution. écrit Rouast, op. cit., p. 56 sq.

b, Réponse à ces critiques. Les adversaires de la notion contractuelle n’exagèrent-ils point l’enjeu du débat où ils sont engagés ?

Certes, considérer le mariage comme un simple contrat, c’est le soumettre au caprice des volontés individuelles, justifier au moins le divorce par consentement mutuel. Mais l’appeler un état, ce n’esl point en garantir la durée. Le mariage, dit-on. est un état dans la société, d’autres ont soutenu qu’il était une situation. Quelle conséquence tirer de la solution de ce problème en faveur des auteurs du projet"? Si le mariage est une situation, on doit pouvoir en changer : si c’est un état, il faut convenir qu’il est soumis à la situation. Ainsi raisonne Chevalier, sans élégance excessive. Moniteur du Messidor an IX, p. 111. Et Naquet déclare au Sénat : i Lorsqu’un état a cessé d’exister en fait, on chercherait vainement une bonne raison, au point de vue civil, pour le laisser subsister sous une forme fictive. » Journal officiel, 28 mai 1881. Que l’on parle d'état ou de contrat, la fermeté du lien ne sera guère assurée si l’on ne reconnaît, au-dessus des volontés individuelles qui créent le contrat ou maintiennent l'état de mariage, audessus de la puissance publique qui réglemente le contrat ou l'état de mariage, un principe supérieur à la volonté des époux et à celle du législateur. C’esl bien la pensée de la plupart des adversaires de l’idée de contrat. Le mariage leur apparaît comme un état stable, parce qu’ils en subordonnent rigoureusement les lois à l’intérêt social. Cicu va jusqu'à nier que, dans le mariage, les époux conservent leur autonomie, cette autonomie des intérêts que le contrat suppose et maintient. « On y voit non point un intérêt commun, mais unité d’intérêt… union, unité de vie… transformation de l’intérêt individuel en intérêt supérieur. » Op. cit., p. 134. « A la différence du contrat, il n’y a point dans le mariage d’intérêts individuels, ni réciproques, ni communs, mais un unique intérêt supérieur.auque ! les volontés des époux doivent respectueusement se soumettre. Ibid., p. 136. L’unité de vie, la permanence de cette unité, tels seraient les principes supérieurs qui s’imposent aux époux. Normalement. ces principes se traduiront et seront justifiés avec une force éclatante par les enfants : niais dans tout mariage les volontés individuelles se renoncent elles-mêmes, au profit d’un idéal qui, désormais, les asservit. Telle est la conclusion essentielle de Cicu. En France, la philosophie a moins de part dans l'école » institutionnelle et l’on insiste presque exclusivement sur la fin sociale du mariage.

Quel que soit le talent des défenseurs de la thèse « institutionnelle » — et peu de théories ont été défen-