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MARIAGE, DOCTRINE ACTUELLE, LE CONTRAT


à entrer dans le droit commun des nation :. Sur ce point, l’opposition antique est rétablie entre la loi de l'Église et les lois du siècle, el il faut avoir le goût « lu paradoxe pour soutenir, comme on l’a fait récemment, que par les empêchements dirimants, par les vices du consentement.., l'Église… comble le fossé qui existe entre sa législation ennemie du divorce et la

législation française favorable à cette institution. : t.. Ribot. Des remèdes offerts par la législation canonique et la législation civile aux époux désunis, thèse de la Faculté de Droit de Montpellier, 1923, p. 242. Les causes actuelles du divorce dans les divers pays du monde sont méthodiquement classées dans l'étude de Ruiz Morcno, Las causas del divorcio y de la separacion de cuerpos en la legislacion comparada. Buenos-Ayres, 1926. La discussion des projets de lois, soumis au Parlement argentin pour l’introduction du divorce, a été l’occasion d’un bon nombre d'études de statistique qui se rapportent à la pratique du divorce en Angleterre, aux États-Unis, en Argentine, en Uruguay. Cf. Revue trimestrielle de droit civil, octobre-décembre 1926, p. 1029 (R. Demogue).

c) La polygamie. — Quant à la polygamie, bien des auteurs soutiennent qu’elle est naturellement désirée par l’homme, et que les préjugés religieux et l’organisation économique y mettent des obstacles artificiels. Cette opinion a reçu sa forme la plus résolue dans Les Mensonges conventionnels de noire civilisation de Max Nordau, trad. française, Paris, 1906. M. L. Blum (Du mariage, Paris, 1908) admet aussi que l’homme est dominé pendant sa première période amoureuse par l’instinct polygamique. Mais ce mot de polygamie prête à équivoque : il vaut mieux dire caprice.

d) Devoirs des époux. — Les devoirs imposés aux époux par l'Église ont été niés par ceux qui prônent la liberté de l’amour, et plus particulièrement par ceux qui prêchent l’affranchissement complet de la femme. Des juristes, soumettant le mariage à la double loi de la liberté et de l'égalité, décident : (. Chacun des époux doit être absolument maître de lui-même quant à sa personne. » Ainsi s’exprime E. Acollas, professeur à l’Université de Berne, dans Le Mariage, son passe, son présent, son avenir, Paris, 1880. Conséquence : le debitum conjugale n’est que « le droit au viol entre époux ». Cette austérité juridique a des conséquences beaucoup moins dangereuses que la liberté pratique dont le monde moderne a fait un dogme. Plus de devoir, mais, sans limitation morale, des accords en vue de tous les plaisirs. L’hygiène seule impose quelques règles aux époux. Quant aux enfants, comme la femme a le droit absolu de ne s’en point embarrasser, toutes les pratiques anticonceptionnelles sont implicitement légitimées : non seulement les moyens préventifs, mais l’avortement.

  • Un fœtus n’est qu’une portion du corps d’une

femme ; elle peut donc en disposer à son gré comme de ses cheveux, de ses ongles, de ses excréments, » lit-on dans la Régénération, sept. 1907, citée par Ber tillon, op. cit., p. 241. Celles qui appliquent cette théorie se comptent, chaque année, par centaines de mille en France, et la proportion n’est pas moindre en certains pays voisins. « Nous revendiquons avec simplicité le droit officiel à l’avortement, » écrit J. Renaud, La faillite du mariage et l’union future.

Ainsi contredite par des adversaires multiples et audacieux, l'Église ne change pas à sa doctrine un iota. Elle continue de mettre l’accent sur la fin primordiale du mariage : la procréation et l'éducation des enfants. Codex, can. 1013 § 1 ; cf. K. Bôckenhoff, Reformehe und christliciie Ehe, Cologne, 1912, parties II et III. Sur les ravages et sur la répression de l’avortement en France, on peut consulter de nombreuses

t lu’ses pour le doctorat en droit soutenues au cours de ces dernières années. Achard, Toulouse, PUT ; Beltrami, Aix, 1921 ; Blet, Lyon, 1921 ; Epinat, Dijon. 1921 : Rioufol, Toulouse, 1924.

Les doctrinaires qui nient le devoir de la procréation s'élèvent, naturellement, contre le principe de la hiérarchie conjugale. L'égalité de l’homme et de la femme dans le ménage est généralement affirmée par les socialistes. Ch. Thiébaux, Le féminisme et Us socialistes, Paris. 1906. C’est un des articles traditionnels de leurs programmes. M. Thibcrt, Le féminisme dans le socialisme français de 1830 à 1850, Paris, 1926. D’une façon générale, on peut dire que tous les partis « avancés » sont favorables à cette thèse. L'Église enseigne invariablement que le mari est chef du ménage, que la femme lui doit soumission. Mais elle ne condamne point indistinctement toute action pour l’extension des droits de la femme, et bon nombre de catholiques, tout en acceptant sans réserve l’enseignement de saint Paul et de toute la tradition, professent et propagent un féminisme raisonnable. Sur la position de l’Eglise à l'égard du féminisme, cf. Sertillanges, Féminisme et christianisme, Paris, 1908 ; Willems, Philosophia morutis, Trêves, 1919, p. 368 sq.

La bibliographie du féminisme est considérable, au moins par le nombre des travaux. Pour la France, cf. la Bibliographie des sciences juridiques de Grandin, Paris, 1926 ; pour l’Angleterre, le livre récent de A. R. Wadia, The Ethics of feminism, dont la troisième partie est consacrée aux rapports du féminisme et de l’institution du mariage. Voir sur ce livre The Calcutta Rcview, mars 1927, p. 346-354.

e) Le célibat chrétien. — Le même principe de la liberté de l’amour que l’on oppose au mariage chrétien est invoqué contre la doctrine chrétienne de la virginité. En outre, des théoriciens, à la suite de Fichte, ont représenté comme un être incomplet, qui n’a point réalisé toute sa personnalité, celui qui demeure dans le célibat : état contre nature, selon des moralistes que le scrupule hante surtout en cette rencontre ; état contraire à l’hygiène, ajoutent des médecins implacables.

Mais d’autres hygiénistes administrent la preuve contraire, ainsi Ch. Févé, L’instinct sexuel, 2° éd., Paris, 1902, p. 317 sq. ; Payen, Déontologie médicale d’après le droit naturel, Paris, 1922, p. 261. La notion étrange du complementum sexuale est écartée sans vaine discussion par les auteurs de Traités de Droit naturel, comme Meyer, Inslituliones juris naturalis, t. ii, n. 96. Enfin, des sociologues catholiques dont l’autorité, sur ce point, est, à tous égards, indiscutable, consacrent une part de leurs développements à justifier le célibat que n’inspire point l'égoïsme, à louer les bienfaits du célibat accepté en vue de mieux collaborer au bien social. Cf. Jordan, Contre la dépopulation, p. 21-24 ; Bureau, Indiscipline…, p. 323 sq., p. 368. Voir encore Verdier, Le problème de la natulité, Paris, 1917, p. 29 sq. ; Castillon, Trois problèmes moraux, Paris, 1918, et les nombreuses études écrites pour justifier le célibat ecclésiastique.

4. Le contrat.

Les papes et les théologiens précisent que l'état de mariage est créé par contrat, et il semble, à première vue, que cette notion intéresse la technique du droit plutôt que la vie morale des nations, qu’elle n’a pu donner lieu qu'à des débats entre spécialistes pointilleux.

Et pourtant, c’est un des plus riches chapitres de notre littérature juridique et morale que celui de la dispute poursuivie depuis un demi-siècle autour de la notion de contrat. L’histoire même des diverses phases de cette dispute mériterait un long article, dont nous ne pouvons que suggérer les divisions essentielles ; les éléments en seraient fournis par plusieurs grandes controverses qui se sont déroulées en Allema-