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    1. MARIAGE##


MARIAGE. LA SÉCULARISATION Dl MARIAGE

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par les empiétements progressifs « 1rs États sur le domaine longtemps réservé à la législation et aux tribunaux de l'Église.

Au milieu du wr siècle, voici quel était le partage entre les deux puissances : « l'Église réglait les conditions du lien matrimonial. A elle seule appartenait d’en décider législativement, d’en prononcer judiciairement la nullité ou la validité, et par suite de reconnaître OU de dénier le titre d'époux, de déclarer la qualité d’enfant légitime, comme aussi de statuer sur la rupture du lien et la liberté d’un nous eau mariage. Le pouvoir séculier n’avait d’autorité que sur les clïets, pécuniaires ou autres, du mariage : puissance maritale et paternelle ; régime des conventions matrimoniales ou douaire, entre époux ; successions, légitime entre les enfants et leurs auteurs ; parenté civile de tout le lignage, etc. C’est là ce qu’on appelait les effets civils du mariage, que l’autorité temporelle avait à régler et à juger. » Lefebvre, op. cit., p. 116.

La monarchie française ne contesta jamais brutalement les droits de l'Église, mais, par des moyens obliques, elle leur fit subir de grands dommages. C’est ici l’un des chapitres, et non le moindre, de la lutte sourde entre les deux puissances sous l’Ancien Régime. Les actes législatifs de nos rois relatifs au mariage sont assez peu nombreux. On les trouvera au Code matrimonial de Léridant, édit. de 1770. Aucun ne touche directement au lien. Simplement, ils édictent des peines. Ainsi, l’ordonnance de 1579 défend au curé de passer outre au mariage, s’il ne lui apparaît du consentement des père et mère, « sous peine d'être puni comme fauteur du crime de rapt. » Cf. Duguit, Élude historique sur le rapt de séduction, dans Nouvelle revue historique de droit, 1886, t. x, p. 587 sq. La nullité du mariage n’est point prononcée en cette ordonnance ni dans la Déclaration royale du 26 novembre 1639, qui se borne à priver d’effets civils le mariage des fils de famille contracté sans le consentement des parents, et trois autres cas ; le mariage de celui qui a été frappé de mort civile, le mariage secret et le mariage in extremis. Lefebvre, op. cit., p. 117-119. L'édit de 1697 ne fit que développer et organiser la répression des mariages contractés par les fils de famille à l’insu de leurs parents.

La jurisprudence, comme la doctrine, fut moins réservée que le législateur. Par un travail d’interprétation patient et tendancieux, nos jurisconsultes ont peu à peu restreint la compétence des officialités à certaines actions en nullité de mariage. Encore les officialités eurent-elles à subir la concurrence écrasante des Parlements, devant lesquels toute violation des règles du droit public français et des canons reçus en France pouvait être attaquée par la voie de l’appel comme d’abus. « Si l’on accuse un mariage de nullité pour avoir été célébré entre mineurs, sans publication de bans, sans consentement des parents, sans témoins, hors de la présence du curé, ou pour quelque autre raison : on appelle comme d’abus de la célébration du mariage et on demande qu’il soit déclaré avoir été mal, nullement et abusivement contracté ; parce que l’on sait que les juges laïcs prononceront plutôt ainsi que les juges ecclésiastiques. » Fleury, Institution au droit ecclésiastique, édit. de 1771, t. ii, p. 42 ; Esmein, op. cit., t. i, p. 35-45 ; Basdevant, op. cit., p. 134-159.

De sa compétence en matière matrimoniale le Parlement de Paris fit usage pour modifier le rôle du curé au mariage. D’après le décret Tameisi, le curé n’est qu’un témoin, et la Congrégation du Concile lui reconnaît ce simple rôle passif. Ce qui rendit possible, nous l’avons vii, les mariages de surprise, les mariages à la Gaulmine, où le prêtre est pris à témoin brusquement et parfois sans douceur, tandis qu’un notaire dresse acte régulier. Un arrêt du 12 août 1698 pro nonce que l’assistance active du prêtre est essentielle à la formation du mariage. Guy du Rousseaud de Lacombe, Recueil de jurisprudence, au mot Mariage.

L’Eglise résistait aux entreprises du pouvoir séculier. L’ordonnance deBlols(1579)fut interprétée par le pape Grégoire XIII et par l’Assemblée du clergé de 1585-86 comme statuant sur une question de validité du mariage, et, lorsqu’on 1629 le roi confirma l’art. 40 de cette ordonnance, le clergé refit sa protestation : toujours, le roi répondait qu’il » n’a entendu disposer du sacrement », mais régler les effets civils du contrat. Basdevant, op. cit., p. 64-70,

Les droits de l'Église sont donc théoriquement reconnus par le pouvoir séculier ; en fait, ils ont été sensiblement réduits et s’il n’y a guère trace de conflits sérieux, c’est que les progrès de l'État s’accomplissent sans violence, sous le couvert de principes canoniques et le prétexte de l’intérêt bien entendu des fidèles. Le dernier acte, seul, qui va commencer sous le pontificat de Pie VI, révélera toute l'étendue des pertes déjà consommées, l’urgence d’une coordination des doctrines théologiques et des définitions solennelles des droits de l'Église.

II. DEUXIÈME ÉTAPE : L' AFFERMISSEMENT ET L’UNIFICATION LE LA DOCTRINE DU MARIAGE. DEPUIS LE PONTIFICAT DE PIE VI JUSQU’A NOS

jours. — Dans le dernier quart du xvrne siècle, des événements décisifs vinrent clore l'ère des hésitations et des controverses théologiques : la sécularisation du mariage fut partiellement ou même totalement accomplie dans les principaux États de la chrétienté, avec cette justification officielle que le pouvoir séculier a seul compétence en toute réglementation des contrats. La papauté répondit à ces prétentions en définissant avec force la doctrine du contrat-sacrement indivisible. Et l’activité des théologiens prit pour objet la défense de cette doctrine et des principes fondamentaux du mariage chrétien.

Au cours de ces grands conflits politiques, une nouvelle et redoutable contradiction s'éleva, qu’inspiraient la science et les morales contemporaines. L’ethnologie et la critique des textes scripturaires, l'économie et l’eugénisme semblaient nouer de curieuses alliances pour ruiner la doctrine traditionnelle du mariage. Mais les sciences, aussi libéralement, fournissaient au catholicisme des défenses et des confirmations. Sur ce domaine encore, le débat continue.

En revanche, il est presque clos entre les théologiens. Les lettres pontificales ont dirimé la plupart des controverses. Et les efforts que l’on dépensait jadis en brillantes disputes trouvent aujourd’hui leur emploi dans l'œuvre de coordination, de consolidation des vérités définies et des règles de droit. Les commentaires des Encycliques et du Codex juris canonici ne présentent point de divergences graves, et bien rares sont les sujets abandonnés à l’hypothèse et à la libre discussion.

Les conflits entre la théologie et l’esprit moderne, dans le domaine du droit, la synthèse des vérités catholiques réalisée par les définitions pontificales et par la doctrine, la critique, par les savants, des enseignements traditionnels : tels sont les faits essentiels de l’histoire contemporaine du mariage.

1° La condamnation du mariage et la défense du conlrat-sacremsnt. — 1. La sécularisation du mariage : les faits. — Le mouvement de doctrine et de législation dont nous avons suivi les progrès depuis le xvi° siècle aboutit, entre 1781 et 1792, à la sécularisation du mariage dans de nombreux États jusqu’alors réputés très catholiques ou très chrétiens.

Quand Joseph II mit en pratique le programme du despotisme éclairé, ! 'un de ses soins fut de séculariser le mariage « objet principalement civil et accès-