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MARIAGK, LA RIPOSTE CATHOLIQUE


Érasme lui-même nous est témoin de la croyance générale à l’efficacité du signe. Sed vieil plausibilior rcccniioritm sententia quæ trad.t in matrimonio rite suscepto, quemadmodum in cœteris sucramentis, infundt peculiarem donum Spirilus, quo simul et formions redduntur ad perpétuant concordiam et robustiores ad pariter toleranda hujus nitee incommoda rt instructions ad sobolem piis moribus educandam. Opéra, t v, I). 623.

La doctrine catholique est donc l>icn arrêtée sur les points essentiels : nature sacramentelle cî effets du mariage. Mais des divergences subsistent sur le moment de l’institution divine, sur les rapports du contrat et du sacrement, sur la détermination du ministre.

Au xvie siècle encore, des théologiens de grande valeur, tels Catharin, Pierre de Soto, considèrent le mariage comme un sacrement de l’Ancienne Loi, se fondant sur la bénédiction divine dont parle la Genèse, sur l’effet médicinal qui fut reconnu au mariage aussitôt après la chute, sur la généralité des termes dont use saint Paul dans son Épître aux Éphésiens. La doctrine de l’institution du sacrement par Jésus-Christ est très clairement exposée par Dom. de Soto, dist. XXVI, q. ri, a. 2.

Sur les rapports du contrat et du sacrement deux opinions continuaient de partager les interprètes. Gajétan, par exemple, nie que le mariage contracté par procureur soit un sacrement la représentation n'étant point admise pour la réception de la grâce, ni l’absence qui pourrait autoriser les plus singuliers effets (ainsi qu’un homme, soit marié pendant qu’il dort). Dominique de Soto, si scrupuleusement orthodoxe, ne « rejette point tout à fait cette opinion qui est en quelque manière probable, car elle s’appuie sur des arguments que l’on ne saurait mépriser ». Cependant, il regarde comme plus probable et comme très recommandable l’opinion contraire. Jésus-Christ a simplement et sans exception, fait du mariage un sacrement : peut-on, dès lors, sans témérité, séparer le mariage du sacrement ? id quod sit vere matrimonium a ratione sacramenti accipere, potissimum cum illud ratione et virtute novee legis sit indissolubile. La grâce est-elle moins nécessaire au mariage contracté entre absents ? Et l'Église devrait-elle autoriser ce mariage s’il n’est pas un sacrement ? Aux objections de Cajétan, il faut répondre que le mariage â ses particularités, parce qu’il est un contrat naturel et civil en même temps qu’un sacrement : or, les contrats sont permis entre absents. Et qu’un homme puisse pendant son sommeil recevoir le sacrement de mariage, faut-il s’en étonner, puisque la grâce du baptême est conférée à l’enfant, au fou, et que beaucoup admettent que la couronne du martyre peut être gagnée par un chrétien que les infidèles auraient exterminé tandis qu’il dormait ? Op. cit., dist. XXVII, q. i, a. 3.

Nous avons signalé les progrès de l’arbitraire dans la désignation du ministre, au xv » siècle. Au xvie siècle, d’intéressants efforts sont accomplis pour préciser le sens du mot ministre. Ainsi, Etienne de Poncher, évêque de Paris, dans VOpusculum seplem ecclesise sacramenta et artem audiendi confessiones breviler dcclarans qu’il joint à VOpus tripartitum de Gerson, Paris, 1507, explique : Forma hujus sacramenti est expressio exterior mutui consensus partium quæ fit his verbis vel signis œquivalentibus. « Ego accipio te in meum virum. Ego accipio te in meam conjugem. » Nec illa verba quæ dicuntur a sacerdote : « Ego conjungo vos » sunt forma ; sunt tamen a sacerdote dicenda ad declarandum matrimonium esse inter partes contrac lum. Et cependant, Etienne de Poncher admet que le prêtre peut, en un certain sens, être appelé ministre. Ministri hujus sacramenti proprie sunt contrahentes

vir et mulier qui exprimunt consensum inleriorem per verba prsedicta scilicel : « Accipio te in meum », et : « Accipio te in meam ». Sacerdos tamen aijquo modo potest dici minister inquantum inquirit ab eis expressionem illorum verborum et inquantum déclarât per expressionem verborum matrimonium esse contractum. Des explications analogues se trouvent dans les Ordonnances synodales de Soi von, de 1501.

Parfois, les diverses fonctions du prêtre sont séparées avec soin. Les Statuts synodaux du diocèse d’Augsbourg, en 1518, distinguent : 1. admitiere : recevoir le consentement des parties (admissatio, dans le*. Ordonnances synodales de l'Église de Sens en 1521). ~ 2. conjungere : prononcer les paroles : Ego vos conjungo. — 3. benedicerc : réciter les prières qui implorent la bénédiction de Dieu. Malheureusement, la portée de ces divers actes n’est nulle part définie avec clarté. Les théologiens expriment des opinions les rituels et les Statuts synodaux établissent la pratique : l’explication officielle des formules n’a guère occasion de se produire. Quand, par exception, le rôle du prêtre est défini, ce n’est point pour le minimiser. Le catéchisme rédigé par ordre du concile de Mayence, en 1519, fol. 207. fait de la bénédiction nuptiale la matière du sacrement : Cf. Gibert, Tradition de l'Église, t. i, où l’on trouvera un bon recueil de textes du xvr siècle.

Ainsi l’incertitude règne, au xvie siècle, sur la nature de l’intervention du prêtre dans l’administration du mariage. Les uns le traitent comme ministre, les autres comme témoin autorisé de la déclaration des époux-ministres. Il semble que la pensée assez commune des auteurs et des gens d'Église peut être ainsi interprétée : le consentement des époux est indispensable pour la formation du mariage, mais Dieu autorise, confirme et bénit l’union, le prêtre est son vicaire et ses paroles ne font que constater, homologuer les déclarations des époux, demander à Dieu de ratifier leur dessein et de les combler de grâces. Son intervention est non seulement celle d’un ministre de Dieu, mais encore celle d’un témoin qui, devant les hommes, assurera la publicité du mariage. Que ces diverses idées, lutte contre la clandestinité, représentation de Dieu, pouvoirs exclusifs du sacerdoce dans l’administration des sacrements, aient eu, selon les auteurs et selon les pays, une importance variable, on n’en peut douter. Une étude approfondie de cette question nous ferait mieux connaître la valeur relative de ces diverses considérptions et non point une opinion commune.

Ou plutôt, l’unanimité ne serait obtenue que sur un point l’une des missions du prêtre est incontestablement d’assurer la publicité du mariage. Le droit canonique lui donnait ce rôle et beaucoup de catholiques y insistaient, émus par les ravages de la clandestinité. Non seulement Érasme, mais les théologiens comme Delphinus, Berthold : « Il faudrait que les mariages clandestins fussent déclarés invalides' Beaucoup de personnes simples ont été induites en erreur par le droit actuellement appliqué, déclare Berthold, op. cit., p. 085 ; Die winckel heyral (wær) gar fur unpiindig zuoerkennen.* La clandestinité n’est pas sans inconvénients, observe Pierre de Soto, op. cit.. p. 70, et il rappelle que l'Église a admis autrefois des règles plus rigoureuses. Dominique de Soto est intéressant sur ce point encore. « Les périls des mariages clandestins sont si fréquents et si graves que l'Église agirait avec beaucoup de sagesse en considérant comme vains et nuls les mariages qui ne peuvent être prouvés au moins par deux ou trois témoins. » « Les Pères réunis à Trente, ajoute-t-il, ont échangé bien des propos sur ce point, que le concile œcuménique ou le pape peut et doit régler. » Dist. XXVIII, q. i, a. 1.