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22Il MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LA COLLATION DE l. GRACE 2212

dicere, quod non con/erl gratiam, quia non ronfert eam in online ad bonum, sed a nwlo tantum : ad bonum autem habet quoddam impedimentum non ex se, sed ex consequentibus oneribtis. In I V" 1 " Sent., disl. XXVI, a. 14, q. il, ad 1°'"

A l’argument des canonistes, la réponse était particulièrement aisée. Le mariage est à la fois contrat et sacrement. Le contrat naturel ou civil peut s’accompagner de clauses pécuniaires. Le qu’il est interdit de vendre, c’est le sacrement ou les cérémonies qui l’accompagnent. S. Thomas, IP-II a ;, q. c, a. 2, ad(i 11 '". Cf. S. Bonaventure, op. cit., disl. XXVI, a. 2, q. il, ad lum.

Aux objections d’ordre moral, Albert le Grand et saint Thomas répondent, nous l’avons vu dans leurs Commentaires sur la dist. XXVI : Le mariage est consomme per aetum honeslum a Domino benediclum, cui in pœnam adjuncla est turpitudo concupiscentiæ. Loin d’exciter l’appétit charnel, il le réprime, le dérive aux fins du mariage, empêche ses déviations. S. Thomas, In /V™ Il Sent., dist. XXVI, q. ii, a. 3, ad 4um. Enfin, l’amour mutuel des époux ne les conforme-t-il pas à la charité du Christ qui fut cause de sa passion ? Comme les autres sacrements, le mariage nous conforme donc à la passion du Christ (Richard de Mediavilla ajoutera la réflexion malicieuse que l’on devine. Dist. XXVI, a. 2, q. ni, ad 2um).

Tous ces éclaircissements devaient préparer la voie au triomphe de la doctrine définitive. Que le mariage confère la grâce, Albert le Grand considère cette opinion comme très probable : … non quodeumque bonum, sed hoc bonum quod facere débet conjugalus : et hoc est quod fideliter conjugi assistât et opéra sua illi communicet, et prolem susceptam religiose nutriat, et hujusmodi. Et hsec etiam probabilis est multum. Loc. cit. Dès le premier article de la question De matrimonio secundum quod est sacramentum, saint Thomas prend parti contre ceux qui font du mariage un simple signe : c’est parce que le mariage applique à l’homme, au moyen de signes sensibles, un remède sanctifiant opposé au péché, qu’il est un sacrement. In /V™ Il Sent., dist. XXVI, q. ii, a. 1. Si le mariage n'était point cause de grâce, il ne différerait point des sacrements de l’Ancienne Loi, où il était déjà un signe et un remède, où, déjà, il autorisait les rapports sexuels. Et comment soutenir que le mariage préserve du mal sans incliner au bien"? La même grâce qui prévient le péché dispose au bien, tout comme le même calorique chasse le froid et donne de la chaleur. Saint Thomas juge donc avec faveur l’opinion de ces théologiens qui enseignent la collation de la grâce : « Que le mariage chrétien est propre à conférer la grâce qui aide les époux à remplir les devoirs de leur état, ce sentiment est le plus probable, car quelque faculté que l’homme reçoive de Dieu, il reçoit aussi les secours dont il a besoin pour en faire l’usage convenable… Puis donc que le mariage donne à l’homme, en vertu de l’institution divine, la faculté d’avoir avec son épouse les rapports nécessaires pour la génération, il lui donne aussi une grâce sans laquelle il ne pourrait pas accomplir cet acte comme il convient, et sic isla gralia data est ultima res contenta in hoc sacramento. Ibid., a. 3. Saint Thomas ne pense point, d’ailleurs, que la doctrine qu’il adopte ajoute rien d’essentiel à la leçon du Maître des Sentences : lui aussi professait que le mariage confère la grâce : Gratia autem quee in matrimonio con/ertur, secundum quod est sacramentum Ecclesiæ in ftde Christi celebratum, ordinatur directe ad reprimendam concupiscentiam, qute concurrit ad aclum matrimonii ; et ideo magister dicit, quod malrimonium est tantum in remedium ; sed hoc est per gratiam quæ in eo conferiur. Dist. II, q. i, a. 1, qunst. 3, ad 3um. Saint Thomas semble donc classer Pierre Lombard

parmi les tenants de la seconde opinion. Quant à lui, on ne peut douter qu’il soit disposé à admettre la troisième opinion : que le mariage confère aux époux toutes les grâces dont ils peuvent avoir besoin.

d) Les résistances. — Tandis que se dégageaient ces conclusions, les opinions anciennes gardaient un certain crédit. Humbert de Romans († 1277) écrit : Benedictio sæerdotalis… cui annexae st divina gralia. Dr rruditione prsedicatorum, t. II, tract, il, c. 51, Barcelone, 1007, p. 390. 1 lugues de Strasbourg († 1281) se borne encore à appeler le mariage : médecine préservative. Compendium theologiæ, t. VI, c. v. Même réserve dans le De matrimonio de Robert de Sorbon († 1274) ; cf. Hauréau, Notices de quelques manuscrits latins de la Bibliothèque Nationale, t. i, p. 189 sq.

Le problème prit une ampleur nouvelle au cours d’un épisode dont on n’a point remarqué l’importance pour le sujet qui nous occupe : l’affaire de PierreJean Olive.

En l’année 1283, le ministre général des franciscains, Bonagratia, qui avait entendu au chapitre de Strasbourg de vives plaintes contre la doctrine de Pierre-Jean Olive, chef des spirituels, institua une commission de sept théologiens pour examiner une liste de propositions tirées des écrits de l’accusé. Fr. Ehrle, Petrus Johannis Olivi, sein Leben und seine Schriften, dans Archiv fur Litteratur und Kirchengeschichte des Mittelalters, t. iii, p. 409-552 ; E. Hocedez, op. cit., p. 79 sq.

Parmi les trente-six propositions censurées à Paris, il en est une qui concerne le mariage. Dans la sixième de ses Quæstiones, Cod. Vat. 4986, fol. 10-21, Olive se demande si la virginité ou l’abstinence de toute copulation est préférable au mariage. Cf. Ehrle, loc. cit., p. 50 1 sq. Voici comment Olive présente sa thèse dans la défense qu’il composa en 1285. Le sacrement de mariage n’est pas un sacrement au même sens, univoce, que les autres sacrements de grâce ; il ne semble pas avoir d’autre titre au nom de sacrement que le serpent d’airain ouïe tabernacle, ou le berceau de Moïse. Voir d’Argentré, Collectio judiciorum, Paris. 1728, 1. 1 a, p. 228 sq. Olive avait accepté la rétractation qui lui était imposée. Au chapitre d’Avignon, en octobre 1283, il reconnut que le mariage est un sacrement de la Loi nouvelle et confère la grâce, qu’affirmer le contraire est une erreur, le soutenir, une hérésie, en douter, illégitime, qu’il croit avoir toujours admis le caractère sacramentel du mariage et n’avoir nié qu’en passant son équivalence aux autres sacrements, notamment la production de la grâce, ibid., p. 230. Dans sa Défense, composée après que le provincial lui eut refusé la permission d’aller se justifier à Paris, il renouvelle ses réserves sur la plena univocatio : tandis que les prêtres sont ministres des autres sacrements, ce sont les époux qui procèdent eux-mêmes au mariage.

Le débat s’assoupit après la soumission d’Olive, mais il se ranima au concile de Vienne, où les conventuels rappelèrent, le 1 er mars 1311, dans leur acte d’accusation contre les spirituels l’opinion de P. J. Olive sur le mariage : les termes sont à peu près ceux dont se sert Olive dans son Mémoire justificatif. Ehrle, Zur Vorgeschichte des Concils von Vienne. dans Archiv. f. Litter…, t. ii, p. 368 sq. A cette accusation. Libertin de Casai répond dans son Apologie de P. Olive et des Spirituels, rédigée probablement avant le 4 juillet 1311 : Olive affirme que le mariage est un sacrement de la Loi Nouvelle et il montre dans son traité De sacramentis, cf. Ehrle, Archiv…, t. iii, p. 476, qu’il confère la grâce. Mais il n’a pas de peine à établir que le sacrement de mariage diffère en bien des points des autres sacrements de la Loi nouvelle : il existait avant le péché, et dans l’Ancienne Loi ;