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MARIAGE DOCTRINE CLASSIQUE, LA FORME


Caus. I, q. i, c. 54, comme le rapporté G. <le Montlauzun, dans son Sacramentelle, Blbl. N’ai., ms. lat. 3206, fol. 57. Et Caprœolus considère cette Interprétation comme conforme à l’esprit de saint Thomas OU encore cette autre : Consensus interior expressus aliqun modo et sensibilis fartas. Defensiones… éd. Paban et Pègues, Tours, 1906, t. vi, p. 501. — Tel autre, joignant des opinions extrêmes, reconnaît la matière à la fois dans Je consentement et dans la conjunctio corporum : c’est le cas de Ro)>. Fitsacre, ms. xi.m d’Oriel Collège (Oxford), fol. 207.

L’opinion appelée à la plus grande fortune est celle, nuancée, d’Albert le Grand et saint Thomas : il faut reconnaître la matière dans les dispositions et les actions des époux : …quia talis malcria non est nisi in illis sacramentis quee totam rationem e/Jiciendi trahunt a passione Christi, et sacramentis quæ sunt in Christo, sicut est baptismus Christi, passio Christi, resurrectio Christi, et hujusmodi. In his autem quæ sunt circa opéra nostra, sunt materia aliqua nostru, vel nos sub aliqua dispositionc : sicut in pœnitenlia dolor est materia, et in matrimonio nos sub potentia commixtionis sexuum exislentes. Albert le Grand, In /Vum Sent., dist. XXVI, a. 14, adq.i, ad'2um. Et saint Thomas : Sacramentum matrimonii perficitur per actum cjus qui sacramento illo utitur, sicut pœnilentia ; et ideo, sicut pœnilentia non habet aliam materiam nisi ipsos actus sensui subjectos, qui sunt loco materialis elementi, ita est de matrimonio. In 7Vum, dist. XXVI, q. ii, a. 1, ad 2um.

c) La forme. — Bien plus grave était le problème de la détermination de la forme. Le contrat de mariage, purement consensuel, se réalise par le simple accord des volontés. L’identité du contrat et du sacrement sera-t-elle sauve si l’on exige pour la formation du sacrement que cet accord se manifeste selon une certaine forme ?

La difficulté ne fut pas immédiatement aperçue. Albert le Grand se borne à reconnaître la forme dans le consensus per verba de præsenli, et saint Thomas dans les verba. In IV nm Sent., dist. XXVI, q. ii, a. 1, ad lum. Mais Duns Scot précisa toute la portée du problème. Dans ses commentaires d’Oxford, il pose nettement la question de la forme du sacrement. Dist. XXVI, q. un., n. 14 sq. Dieu a-t-il imposé une formule ou bien faut-il considérer tout contrat comme un sacrement ? Velenim Deus instituit ita indeterminatum signum, ut sit signum e/ficax gratiæ, sicut indeterminalum signum requisitum ad contractum : vel magis determinavit illud, quod débet esse efficax gratiæ, quam ex impositione humana determinetur signum sufjîciens ad contractum ; et si sic, vel determinavit aliqua verba præcise, puta, accipio te in meam, vel in meum ; vel determinavit indifjcrenter quæcumque verba exprimentia talem consensum. Si Dieu a strictement déterminé la forme, arrêté les paroles précises que les époux doivent prononcer pour recevoir la grâce, il s’ensuit que, bien souvent, un contrat de mariage est passé sans que le sacrement y soit joint, puisque les formes du contrat sont libres et, pratiquement, diverses comme la coutume. Si la seule prononciation de paroles est requise, certains mariages encore ne seront que des contrats : ainsi le mariage des muets. Scot ne se décide point à proposer une solution ferme. Il définit le sacrement : expressio certorum verborum, mais avec cette réserve que, si les verba ne sont point nécessaires, on se contentera de signes équivalents. Ibid., n. 17. Dans son Commentaire de la dist. XXVII, il laisse encore pendante la question de savoir si le mariage par lettres est un sacrement.

Dans les Reportata parisiensia, la pensée de Scot est plus clairement exprimée. Après avoir montré

que le contrat peut se former sans paroles, que n’importe quel signe sensible suflil pour que les parties soient liées, il ajoute que le sacrement, au contraire, ne peut être conféré sans un signe sensible déterminé et des verba cerla. Ad sacramentum autem matrimonii requiritur signum sensibile determinatum, ut audibile et cerla verba, quia sine certi.s verbis non est sacramentum matrimonii, liect possil esse contractas ad matrimonium sine certis verbis… Istud autem signum audibile, quod est necessariurn ad matrimonii sacramentum, vel ipsa cerla verba, sunt forma ipsius sacramenti. L'Église, en effet, n’admet point n’importe quel signe sensible, elle exige les verba de præsenli : Nisi enim hoc sacramentum haberet pro forma totali signum sensibile determinatum, ut certa verba, non essel unum sacra mentum forte… et tune forma ipsius sacramenti essel lalissima, quia quæcumque signa sensibilia essenl forma, quod non tenet Ecclesia catholica ; sed quod tantum pat determinate per verba de præsenli. Ibid.. n. 23. Les personnes qui ne peuvent échanger les paroles contracteront mariage mais ne recevront point le sacrement : c’est le cas des absents qui peuvent contracter par lettre ou par procureur (n. 22), des muets (n. 23), de ceux que leurs parents ont conjoints. Dist. XLII, n. 24. Dans tous ces cas exceptionnels, il y a séparation, disjonction du contrat et du sacrement. A ceux qui passeraient le contrat sans recevoir le sacrement, Dieu ne refusera point une certaine grâce, quia Deus assista ibi propter difficullatem contractas honesti ; mais cette grâce sera moindre que celle qui est attachée au sacrement. Opus oxon., dist. XXVI, q. un, ii, 15.

Cette opinion de Scot était appelée à une grande fortune. Déjà, au xiv c et au xv siècle, beaucoup de disciples du docteur subtil la professèrent. Jean de Bassoles fait remarquer à plusieurs reprises que l'Église tient pour constant quod sacramentum quodlibet in verbis consistit. Si des paroles ne sont point nécessaires, d’autres signes suffiront, quod tamen non videtur mihi. In IVum Sent., dist. XXVI ; voir encore dist. XXVII-XXIX. Vers le même temps, Hugues de Newcastle († 1321) semble avoir soutenu l’opinion de Duns Scot avec un certain éclat. Et la définition scotiste du sacrement de mariage, expressio certorum verborum maris et feminæ, sera reprise et discutée par toute la lignée des commentateurs de Scot, par Pierre d’Aquila, In I Vum Sent., dist. XXVI-XXVII, ad lum, comme par Fr. de Marchia, Bibl. Xat., ms. lat. 3071, fol. 161 sq.. par Guy de Briançon, In ZV™ Sent., dist. XXVI, Lyon, 1512. fol. exevin, comme par Jean de Cologne, Quæstiones, Venise, 1472, fol. 222. On pourrait citer plusieurs dizaines d’auteurs et. si nous le notons, c’est pour que l’issue de cette opinion scotiste devienne plus intelligible : il ne s’agit pas d’un vague propos perdu dans l'œuvre de Duns Scot, comme on semble, en général, le croire. Les propos de Duns Scot sont rarement dépourvus de finesse, et ils n’ont presque jamais été voués à l’oubli. A la lin du Moyen Age, nombre de théologiens étaient enclins à admettre, après les Reportata parisiensia et l’Opus oxoniense, que sans verba, point de sacrement, ou tout au moins, comme Jean de Cologne, à exprimer un doute embarrassé.

Cependant Ange de Clavasio († 1495), dans sa Summa angelica, Paris. 1506, fol. ccLxxviii, déclare que les théologiens et presque tous les canonisUs n’exigent pour l’expression du consentement qu’un signe, et que l’existence du sacrement ne requiert qu’un signe sensible. Des commentateurs de Scot. comme Guillaume de Vaurouillon, défendront cette dernière doctrine, avec, il est vrai, des arguments inégalement sûrs, comme on peut le voir fol. 396 sq. Le fond de sa doctrine, Guillaume pouvait l’appuyer